Les Rues d’Aix – Rue de la Grande Horloge


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DE LA GRANDE-HORLOGE

NCIENNEMENT la rue droite du Bourg ou de Notre-Dame, comme celle qui en était, pour ainsi dire la continuation dans la ville comtale (aujourd’hui La place de l’Hôtel-de-ville et la rue des Orfèvres), s’appelait également la rue Droite ; 1 d’autres fois, elle porta le nom de rue deis Escourregus ou deis Fouitas. Nous avons donné il y a peu d’instants l’étymologie de ces noms. 2
Enfin celui de rue de la Grande-Horloge lui a été assigné et lui est resté, à cause de la tour de l’Horloge qu’elle a en face.
Autrefois les archevêques d’Aix étaient présidents-nés des Etats-généraux de Provence et premiers procureurs-nés du pays. Les consuls et assesseur d’Aix, autres procureurs du pays et représentant celui-ci, allaient jusqu’à Avignon ou tout au moins aux bords de la Durance, au-devant de leur nouveau collègue lors de sa première entrée en Provence, pour le complimenter ; et le jour fixé pour sa réception dans cette ville, les mêmes consuls et assesseur, ayant le viguier à leur tête et suivis des anciens consulaires et des personnages notables de la cité, tous à cheval, allaient prendre l’archevêque au couvent des PP. Minimes (aujourd’hui les dames du Saint-Sacrement) autrefois Notre-Dame-de-la-Seds, église métropolitaine : ” Où estant toute la compagnie seroyet entrée dans ledit couvant et dans le reflectoir neuf se seroyent presantes aud sieur archevesque et par monsieur l’assesseur faict la réception et arangue à ce requize en présence des revérendissimes evesque de Senéz et Riéz.
Après ledit sieur archevesque d’Aix ayant monté sur un petit cheval au-devant la porte du couvant, abillé de son abit d’évesque avec le bonnet carré et le chapeau d’évesque attaché au coul pendant par dernier, lesdits sieurs évesque de Senéz et Riéz au-devant de luy à cheval et messieurs le viguier et consuls et assesseur au dernier et toute la cavalerie au-devant, seroyent partis pour entrer dans la ville et passe au-devant la porte des Augustins le long de la lisse 3 et entrés par la porte Saint-Jehan où estoyent tous les couvants de tous les ordres de la ville pour le recevoir, ayant passé par les mêmes rues que messieurs les consuls avoyent passé au sortir, jusques à la maison de ville.
Et là ledict sieur archevesque decendu du cheval avec toute la compagnie et entrés dans la grande basse court de la maison de ville ce seroyet assis à la chère à luy préparée et à l’instant messieurs les consuls et assesseur luy auroyent présanté le libvre des privilèges tant de la ville que du pays et. par la bouche de monsieur le baron de Tourves 4 lui auroyet esté remontré qu’il debvoyet jurer lesdicts priviléges ce qu’il auroyet à l’instant foyet en mettant la main sur la poictrine ainsy qu’est de coustume.
Et de ladicte maison de ville ledict sieur archevesque, les sieurs évesques de Senéz et de Riéz au-devant de luy, messieurs les viguier et consuls au dernier tous à pied seroyent allés entrer au bourc par la porte du grand Orologe là où messieurs de Saint-Saulveur auroyet faict dresser un chaffaud et autel où estoyent tous messieurs de l’église Saint-Saulveur avec la croix, vestus de leurs ornemants et chappes les plus beaulx de ladicte église pour le recepvoir et ledict sieur archevesque monté à l’eschaffaud et là vestu de ses abits pontifficaux pour le conduire dans ladicte église, le dé luy avoyet esté présanté qu’il auroyet reffuzé et incontinent retiré et remis dans la maison de ville, à laquelle église Saint-Saulveur, messieurs de ladicte église avoyent foyct une belle entrée et préparé toutes choses pour la réception de leur archevesque. Et ce foyct seroyct ledict sieur archevesque esté conduit avec toute la compagnie dans le château archiépiscopal…. ” 5

En montant, sur la droite de la rue et peu après avoir dépassé celle de la Croix-Jaune, se trouve une belle maison dont la façade, entièrement en pierres de taille, est ornée de sculptures délicatement travaillées. Quelques documents, sur l’exactitude desquels nous avons lieu de compter, nous portent à croire que cette maison est celle où naquit, le 6 août 1675, Louis-Sauveur de Villeneufve, fils de François, 6 conseiller au parlement, et de Magdelaine de Forbin-Sainte-Croix. Louis-Sauveur était l’aîné de seize enfants, tous nés à Aix et baptisés à la paroisse de Saint-Sauveur où ses père et mère s’étaient mariés. 7 Après avoir fait ses études sous les jésuites, au collège royal Bourbon d’Aix, et avoir pris ses degrés à l’université de cette ville, il suivit son père à Marseille et lui succéda, en 1708, dans la charge de lieutenant-général de la sénéchaussée, qu’il exerça dignement pendant vingt ans, s’étant principalement distingué lors de la peste de 1720 et 1721. Au mois de mars 1728, le roi Louis XV le nomma son ambassadeur à la Porte et pendant treize ans qu’il résida en cette qualité à Constantinople, il rendit les services les plus signalés à son souverain, à sa patrie et au commerce. C’est dans le cours de cette ambassade qu’il négocia, avec autant d’habileté que de succès, la paix entre l’Empereur d’Allemagne celui de Russie et le Grand-Seigneur, laquelle fut conclue à Belgrade, le 18 septembre 1739. 8 Revenu en France deux ans après, le roi le nomma conseiller d’Etat et érigea, en sa faveur, la terre de Forcalqueiret en marquisat. Enfin, par une lettre autographe, datée du camp devant Fribourg, au mois d’octobre 1744, S. M. lui annonça qu’elle le nommait ministre de ses affaires étrangères, honneur que le marquis de Villeneufve refusa par modestie plus encore que par raison se santé. Celui-ci mourut à Marseille le 18 juin 1745, 9 laissant un fils 10 mort sans enfants en 1760, et quatre filles richement mariées. 11
François-Raynaud de Villeneufve, frère de Louis-Sauveur, né à Aix, le 2 avril 1685, était chanoine de Saint-Sauveur et vicaire-général du diocèse pendant la peste de 1720 et 1721. Il se distingua par son zèle et sa charité envers les pestiférés et principalement envers les Chartreux qui quittèrent leur couvent pour se réfugier au séminaire dont il était alors supérieur. Le roi voulant récompenser l’illustre évêque de Marseille, M. de Belzunce, qui s’était immortalisé dans sa ville épiscopale à la même occasion de la peste, voulant reconnaître aussi ceux de l’abbé de Villeneufve, nomma le premier à l’évêché de Laon qui était alors un duché-pairie, et choisit le second pour lui succéder à Marseille.

Mais, M. de Belzunce refusa de se séparer de son troupeau et ce ne fut qu’au mois de septembre 1723, que l’abbé de Villeneufve fut appelé à l’évêché de Viviers qu’il gouverna pendant quinze ans. Le siége de Montpellier étant venu à vaquer en 1738, par la mort de M. Colbert, auteur du fameux Catéchisme de Montpellier, l’évêque de Viviers fut nommé pour le remplacer et dès cet instant jusqu’à sa mort, arrivée le 4 janvier 1766, il se montra le persécuteur le plus ardent des partisans de l’opinion de son prédécesseur touchant les affaires de religion qui divisaient alors l’église de France.
Deux autres frères de l’ambassadeur et de l’évêque furent tués, les armes à la main, l’un, au siége de Barcelonne, en 1706 ; l’autre, à la bataille de Parme en 1734.
En redescendant dans la même rue, de la place de l’Université vers la Grande-Horloge, la première rue à droite est formée par trois grands hôtels qui sont, sans contredit, les plus beaux du bourg Saint-Sauveur, à l’exception toutefois du palais archiépiscopal. Nous parlerons d’abord de celui de ces hôtels qui fait le coin dans la rue du Bon-Pasteur et où va être établie sous peu de mois, la Faculté des Lettres nouvellement créée pour notre ville.
Cet hôtel ne fut, dans les commencements, aux XII et XIIIe siècles qu’un pied à terre où les archevêques se reposaient lorsqu’ils venaient officier à Saint-Sauveur; car longtemps encore après la construction de cette église, ces prélats continuèrent d’habiter leur ancien palais archiépiscopal dans la ville des Tours, auprès de l’église actuelle des Dames du Saint-Sacrement , aujourd’hui des RR. PP. Minimes, laquelle était, comme on le sait, l’ancienne église métropolitaine d’Aix.
Vers l’an 1338, l’archevêque Arnaud de Barchésio, céda cette habitation au prévôt de Saint-Sauveur, qui lui remit en échange celle qu’il possédait auprès de la sacristie de cette église, où Arnaud jeta les premiers fondements du palais archiépiscopal actuel. Les prévôts ne l’occupèrent pas au-delà de cent cinquante ans, puisqu’en 1490, il fut acquis par Accurse Maynier, baron d’Oppède, alors juge-mage de Provence. Ce magistrat fut ensuite nommé par Louis XII, en 1501, ambassadeur à Venise, d’où il revint à Aix, en 1507, pourvu de la charge de premier président du parlement. Mais s’étant brouillé avec sa compagnie, il passa l’année suivante au parlement de Toulouse où il mourut troisième président.
Jean Maynier, son fils, baron d’Oppède, né à Aix, dans la maison dont nous parlons, le 10 septembre 1495, fut aussi premier président du parlement en 1544, et se rendit célèbre l’année suivante, par l’exécution du fameux arrêt rendu par cette cour, le 18 novembre 1540, contre les hérétiques des lieux de Cabrières et de Mérindol. Sans entrer dans la discussion des actes de cruauté que lui reprochent à cette occasion la plupart des historiens, surtout les auteurs protestants, et dont il finit par être absous, nous ferons observer qu’il ne fit qu’exécuter les ordres du parlement et ceux du roi François 1er lui-même, plusieurs fois réitérés. Aussi, après la longue persécution qu’il eut à essuyer, le roi Henri II le renvoya-t-il honorablement à ses fonctions en 1553. 12 Il mourut à Aix d’une dysurie, dans l’exercice de sa charge, au mois de juin 1558, sacrifié, dit-on, par un chirurgien protestant qui l’opéra avec une sonde empoisonnée, et il fut enterré dans l’église de l’Observance. Il était littérateur et amateur des beaux-arts. On conserve encore dans son hôtel une inscription romaine que Jules Raymond de Soliers y avait vue de son temps ; il avait fait imprimer une traduction en vers français, des six Triomphes de Pétrarque. 13
Anne de Maynier, sa fille, qu’il avait mariée de son vivant à François de Peruzzis, baron de Lauris, président au parlement d’Aix, fut son héritière et transmit cette riche succession à Claire de Peruzzis, sa fille, mariée, en 1578, à Jean de Forbin, seigneur de la Fare, depuis premier consul d’Aix en 1590-91, et une seconde fois en 1597-98. Vincent-Anne de Forbin-Maynier, leur fils, baron d’Oppède, premier président du parlement, de 1621 à 1631, et Henri de Forbin-Maynier, fils du précédent, aussi premier président, de 1655 à 1671, habitèrent successivement cet hôtel où ils étaient nés, 14 ainsi que Jean-Baptiste de Forbin-Maynier-d’Oppède, fils d’Henri, mort en 1701, après avoir été président au parlement, ambassadeur de France en Portugal, etc. Ces grands magistrats illustrèrent leur compagnie par leur intégrité et leurs lumières, et leur nom vénéré se trouve lié à tout ce qu’il y eut de plus honorable en Provence à cette époque. Leur naissance, les charges dont ils étaient revêtus, l’immense fortune dont ils jouissaient, les alliances qu’ils avaient contractées, les hauts emplois que leurs enfants occupaient dans l’église 15 et dans les armées, tout concourait à les placer au premier rang des plus grands seigneurs de cette ville, où il y en avait tant alors et où il en reste si peu aujourd’hui.
Leur hôtel que leur petit-fils vendit vers 1730, fut habité depuis lors par les Thomassin, marquis de Saint-Paul, présidents au parlement, dont la fortune et les alliances n’étaient pas moindres que celles de la maison d’Oppède. A la mort du dernier de ceux-ci, arrivée en 1781, l’hôtel fut acquis par M. d’Estienne-Gaufridi-du-Bourguet, baron de Saint-Estève, conseiller au parlement qui le possédait au moment de la révolution.
Mais avant de quitter cet hôtel nous devons parler de la journée de Saint-Valentin, ainsi nommée dans l’histoire d’Aix et fameuse par la sédition qui éclata contre le premier président Henri d’Oppède, le 14 février 1659.
Depuis les troubles du semestre 16 et ceux occasionnés par les Sabreurs et les Canivets, 17 les esprits n’avaient pas cessé de fermenter; les inimitiés s’étaient perpétuées, et le premier président était devenu l’objet de la jalousie et même de la haine de plusieurs membres de la compagnie. Le président de Grimaldi-Regusse avait été son compétiteur pour la première présidence en 1655, lors de la retraite de Jean de Mesgrigni que tous ces troubles avaient dégoûté du séjour de la Provence, et la rivalité qui s’était établie entre eux n’avait pas peu contribué à entretenir ces malheureuses dispositions.
Le conseiller de Glandevès-Rousset fut arrêté sur la place des Prêcheurs, le 26 février 1658, par le baron de Puget-Saint-Marc, et traduit à la forteresse de Bouc, puis au château de Saint-Tropez, en vertu d’un ordre du gouverneur, le duc de Mercœur. Le marquis de Simiane-Gordes, grand sénéchal et lieutenant de roi en Provence, Jacques de Forbin-la-Barben , alors premier consul d’Aix, et le président de Regusse furent mandés à la cour ; mais ce dernier reçut en chemin un ordre du roi qui le reléguait à Issoudun et les deux autres seuls se rendirent à Paris. Ces actes de violence indisposèrent toujours plus une partie du parlement contre son chef, et au bout de onze mois les mécontents finirent par obtenir le rappel des exilés.
Ceux-ci n’étaient pas encore à Aix, lorsque le jour de Saint-Valentin, le cadet d’Estienne-Saint-Jean, ami de d’Oppède se prit de querelle auprès de Saint-Lazare, à peu de distance de la ville sur la route de Marseille, avec le jeune Baratte qui tenait le parti opposé et qui fut grièvement blessé par son adversaire. Ses amis se soulèvent aussitôt et courent les rues l’épée à la main, en ameutant le peuple contre le premier président qu’ils accusent d’avoir organisé un guet à pens et d’être l’auteur de l’assassinat de Baratte. Ils s’avancent de l’hôtel d’Oppède, résolus d’enlever ce magistrat et de l’immoler à leur ressentiment. Mais d’Oppède inaccessible à la crainte, se revêt de ses insignes, monte en carrosse, traverse la foule des séditieux qui, frappés de tant de fermeté, le laissent passer et se rend au palais où il fait assembler le parlement. Les séditieux revenus de leur stupeur, se dirigent alors vers le palais. Les consuls accourent sur les lieux pour tâcher de calmer l’émeute et le parlement envoie au-devant de la populace quelques-uns de ses membres, dont plusieurs avaient du crédit sur elle comme étant connus pour ennemis du premier président, tels que le président d’Escalis baron de Bras, et l’avocat général de Gallaup-Chastueil.
Les factieux s’emparent du premier consul le marquis de Roquemartine, de la maison d’Aube, et du président de Bras et les font marcher forcément à leur tête, comme si la présence de ces magistrats pouvait autoriser leurs désordres. Une partie d’entre eux se porte sur l’hôtel d’Oppède en vue de le piller; mais les personnes qui s’y trouvent, ayant filé quelques coups de fusil par les fenêtres, l’émeute se dissipa sur ce pont. Revenus au palais, les agitateurs enfoncent les portes de la cour, de la grande salle et de l’audience, et tentent d’entrer dans la chambre où le parlement était assemblé. Ils demandent à grands cris qu’on leur livre le premier président et quelqu’un ayant proposé à ce magistrat de le faire évader par une porte dérobée, il répondit par ces paroles mémorables que les mémoires du temps nous ont conservées : ” A Dieu ne plaise que je fasse cet affront à la magistrature; il n’y a pas d’asile plus sûr que le lieu où le roi m’a placé. Si quelqu’un d’entre vous ne se croit point en sûreté, qu’on ouvre les portes et qu’il sorte. Pour moi je ne dois rien craindre dans un sanctuaire où réside la justice et la majesté du souverain. 18
Cependant le cardinal Grimaldi, archevêque d’Aix, avait envoyé offrir ses services au parlement, et sans attendre le retour de ses députés, s’était rendu au palais. Il prend le premier président sous le bras, le couvre de son manteau et l’amène avec lui à l’archevêché où les mutins demandaient en dernière analyse qu’il fût retenu en otage. Des corps de garde furent établis aussitôt par ceux-ci à toutes les portes de la ville, à l’archevêché, sur la place des Prêcheurs. Le duc de Mercœur revenait le lendemain de Toulon. A une lieue d’Aix il apprit ce qui s’était passé et alla s’établir au château de Saint-Marc où le parlement et les autres cours souveraines lui envoyèrent des députés pour l’assurer de leur fidélité au service du roi. Par son ordonnance du 18 février, il convoqua la noblesse et les milices du pays et leur donna rendez-vous à Lambesc pour le 27 du même mois.
Ces préparatifs intimidèrent les factieux et en général tous les habitants d’Aix. Le cardinal Grimaldi et les consuls prièrent Duchaine, évêque de Senez 19 leur compatriote, alors casuellement dans sa famille, et Séguiran, premier président de la cour des comptes, d’aller implorer le pardon auprès du gouverneur; mais celui-ci exigea avant tout qu’on mît bas les armes et qu’on rendit la liberté au premier président, ce qui fut fait avec toutes les démonstrations du plus profond respect. Ce magistrat et les consuls se rendirent ensuite à Lambesc auprès du gouverneur, et le 3 mars suivant, d’Oppède fit une entrée triomphale dans Aix et alla reprendre sa place au parlement.
Le président de Regusse rapporte dans ses mémoires que le premier président promit, lors de sa mise en liberté ” d’oublier le passé et de procurer une amnistie générale. Il embrassa, dit-il, M. Decormis, M. de Bras, 20 et tous ceux de la jeunesse qui lui avaient été les plus opposés et réitéra encore après avoir pris le Saint-Sacrement le même jour, qu’il oublierait tout ce qui s’était passé et promit une abolition générale. ” Quoi qu’il en soit de cette assertion qui peut paraître suspecte de la part d’un ennemi de d’Oppède, il est certain que le premier président revint dans Aix, le cœur plein de vengeance et qu’il présida à tous les arrêts qui furent rendus à la suite de cette malheureuse journée de Saint-Valentin.
Les consuls et le gouverneur avaient demandé une amnistie au roi ; mais en l’accordant, le monarque en avait excepté quarante personnes qui lui avaient paru indignes de pardon. Par arrêt du parlement, du 27 mars 1659, huit particuliers furent condamnés à être rompus vifs et leurs maisons abattues et rasées ; dix autres à être pendus et cinq à avoir la tête tranchée. Mais tous ces coupables s’étaient réfugiés à Marseille et y demeurèrent jusqu’à l’arrivée de Louis XIV, en 1660. La plupart se retirèrent alors en Italie ou en Allemagne et quelques-uns obtinrent leur grâce après la mort de d’Oppède.
” La vengeance n’étant pas satisfaite “, comme dit Regusse, Bazin de Bezons, intendant de Languedoc, et Vertamont, maître des requêtes, furent commis par le roi pour continuer la procédure à l’égard de ceux envers qui l’arrêt du parlement ordonnait une plus ample information. Ces commissaires vinrent à Aix le 20 avril, et s’étant retirés à Villeneuve-lès-Avignon où ils s’adjoignirent six assesseurs, ils prononcerait, le 29 mai, leur jugement en vertu duquel trois particuliers furent également condamnés à la roue et un à être pendu; l’avocat général Gallaup-Chastueil à être banni du royaume à perpétuité, sa charge confisquée, etc.; 21 le président de Bras a un bannissement de dix ans, etc. Mais tous ceux-ci étaient contumaces comme les premiers et il n’y eut pas d’autre exécution que celle d’un condamné seulement aux galères. Les familles des deux magistrats condamnés avaient réclamé pour eux le privilège d’être jugés par le corps auquel ils appartenaient, et non par une commission nommée par édit; mais le parlement enregistra l’édit sans égard à cette réclamation, et ce même parlement qui, dix ans auparavant, avait cassé le semestre établi par l’autorité du roi abandonna cette fois sans murmurer, l’un de ses plus beaux privilèges.
L’hôtel qui joint immédiatement celui dont nous venons de parler et qui fait face à la place de l’Archevêché, appartenait, au milieu du XVIIe siècle, à Charles de Grimaldi , marquis de Regusse, baron de Roumoules, etc., président au parlement, né à la Ciotat, le 10 août 1612, mort dans la même ville au mois de novembre 1687. Entré au parlement comme conseiller, à l’âge de vingt-un ans et dix ans plus tard comme président à mortier, il fut l’âme de cette cour dans les circonstances difficiles où elle se trouva de son temps. Ses mémoires, 22 qui sont demeurés manuscrits, contiennent les détails les plus curieux sur l’établissement de la chambre des requêtes et du parlement-semestre, sur les troubles qui en furent la suite, la sédition qui faillit coûter la vie au premier président d’Oppède, enfin sur la venue de Louis XIV en Provence. Témoin et narrateur fidèle d’une foule d’intrigues dans lesquelles il joua souvent un grand rôle, exilé ou mandé plusieurs fois à la cour, il montra, dans toutes les circonstances, beaucoup de fermeté dans le caractère et le plus vif attachement aux intérêts du pays et de la compagnie à laquelle il appartenait. Il en devint second président en 1664. Son fils, son petit-fils et son arrière petit-fils ont exercé successivement la charge de président au parlement, jusqu’à la mort de ce dernier, arrivée en 1784. 23
Environ soixante ans auparavant, l’hôtel de Regusse avait été vendu aux Forbin, seigneurs de La Barben, qui le possédèrent peu de temps, car il fut acquis, en 1745, par la famille Boyer de Fonscolombe qui l’occupe encore aujourd’hui. Parmi les personnages de mérite que cette famille a produits, nous citerons Jean-Baptiste Laurent, écuyer, amateur très distingué, né en 1788, qui avait formé un riche cabinet de livres, de tableaux et d’estampes que les voyageurs ne manquaient jamais de visiter ;
Jean-Baptiste, son frère, né en 1719, mort en 1785, capitaine du régiment de Flandre et membre de l’académie de peinture et de sculpture de Marseille, etc., Sur lequel M. Porte a publie une notice intéressante, 24 en appréciateur de ses talents pour la peinture et surtout pour la miniature dans laquelle il se distinguait par les plus charmantes compositions ;
Joseph-Roch, frère des deux précédents, né en 1720, mort en 1799, qui, après avoir été longtemps secrétaire d’ambassade auprès des cours de Varsovie, de Turin, de Rome et de Vienne, fut nommé par Louis XV, en 1766, son envoyé auprès de la république de Gênes ;
Emmanuel-Honoré-Hippolite , fils de Jean-Baptiste-Laurent, né en 1744, mort en 1810, conseiller au parlement, magistrat intègre et savant agronome, dont les Mémoires de l’académie d’Aix conservent plusieurs dissertations importantes ;
Enfin, MM. Hippolyte et Marcellin de Fonscolombe, enfants de ce dernier et actuellement vivants, qui, dès le début de leur carrière jusqu’à ce jour, n’ont jamais cessé de s’occuper utilement des sciences naturelles comme de celles de l’antiquité et des médailles. Leurs nombreux travaux ont été recueillis dans les Mémoires de l’académie d’Aix, et y sont placés, sans contredit, dans les premiers rangs.
Le troisième et dernier hôtel de la même île et qui fait le coin dans la rue des Bremondi, fut rebâti vers le milieu du XVIIe siècle, 25 Jean-François d’Aimar-d’Albi, baron de Châteaurenard, conseiller au parlement, qui eut l’honneur d’y loger le roi Louis XIV. Ce prince vint en Provence en 1660 , pour apaiser les troubles qui agitaient cette province depuis si longtemps, notamment les villes d’Aix et de Marseille. Le roi avait avec lui la reine, sa mère, Anne d’Autriche, veuve de Louis XIII, le duc d’Anjou, son frère unique, depuis duc d’Orléans, Mademoiselle, sa cousine germaine, fille de Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, le prince de Conti, le prince Eugène de Soissons et sa femme, le fils du prince de Monaco, la comtesse Palatine de Nevers, le cardinal Mazarin, le nonce du Pape, les évêques de Poitiers, de Rodez, de Béziers, de Valence et de Fréjus, plusieurs abbés, les maréchaux de Grammont, Duplessis et de Villeroi, les quatre secrétaires d’Etat et plusieurs autres grands seigneurs de sa cour.
Ce brillant cortège fit son entrée à Aix le samedi 17 janvier, au déclin du jour, mais sans aucune cérémonie, conformément aux ordres du roi. Les consuls lui avaient offert les clefs de la ville à la porte des Augustins et il les avait refusées, disant qu’on les lui apporterait chez lui, et ils lui avaient présenté le dais qu’il avait également refusé. Il entra directement en passant sous la Grande-Horloge, dans l’hôtel de Châteaurenard qui lui avait été préparé ci auquel on avait réuni l’hôtel de Regusse par des portes de communication. La reine fut logée au palais archiépiscopal, le cardinal Mazarin à l’hôtel d’Oppède, qui fut joint par un pont en bois jeté en travers de la rue à la maison qu’occupent encore les enfants de chœur du chapitre, pour aller de là, à couvert, à l’archevêché et Mademoiselle s’arrêta au Cours dans l’hôtel de Maurel-Pontevès, aujourd’hui l’hôtel de Mons.
Dès le 8 janvier, des députés des cours souveraines, les consuls d’Aix procureurs du pays, les procureurs joints des trois ordres du clergé, de la noblesse et du tiers-état, étaient partis pour aller recevoir le roi à Arles et avaient eu l’honneur de le complimenter. Le dimanche 18, lendemain du jour de son arrivée à Aix, les cours et toutes les autorités de la ville et de la province au complet, furent admises à le haranguer à l’hôtel de Châteaurenard, et les consuls l’ayant supplié de confirmer les privilèges de la ville, S. M. mettant la main sur le livre qui les contenait, promit de les garder et observer suivant leur forme et teneur.
On peut lire dans les historiens de Provence, d’Aix et de Marseille, les rigueurs dont le roi usa envers cette dernière ville pendant son séjour dans la nôtre. Ce séjour est seul de notre sujet et nous nous bornerons à en faire le récit. Tout le temps qu’il fut à Aix, Louis XIV allait chaque jour à la messe, soit à Saint-Sauveur, soit dans les autres églises de la ville et où il communia plusieurs fois. Ses principaux divertissements étaient d’exercer des soldats au métier de la guerre dans la vaste cour de l’archevêché ou en rase campagne; de jouer à la paume et plus souvent encore au mail; enfin d’aller chasser dans les environs de la ville, notamment à Velaux. La cour suivait son exemple quant aux exercices de piété, et allait habituellement à la messe, aux vêpres, au sermon ou au salut, tantôt dans une église, tantôt dans une autre, enseignant ainsi au peuple que les grands sont tenus les premiers de l’accomplissement des devoirs religieux.
Le prince de Condé et le duc de Longueville étaient sortis de France depuis les troubles de la Fronde et s’étaient jetés dans le parti du roi d’Espagne. Ayant été compris l’un et l’autre avec les marquis de Coligny et de Bouteville qui les avaient suivis en Flandre, dans les propositions de paix faites entre les deux couronnes, ils vinrent en Provence pour obtenir leur grâce du roi, et arrivèrent à Aix le 27 janvier. Le cardinal Mazarin les présenta aussitôt à S. M. qui se trouvait en ce moment à l’archevêché, où une réconciliation vraie et franche fut conclue en quelques minutes d’entretien. Le cardinal voulut même loger chez lui le prince dont l’appartement avait été préparé dans l’hôtel du premier président de la cour des comptes, Séguiran seigneur de Bouc.
Le 2 février, jour de la Purification, S. M. toucha une demoiselle de très grande condition, disent les mémoires du temps, sans la nommer, et elle fut à l’instant miraculeusement guérie du mal dont elle était atteinte depuis deux ans: ” J’ai puis veu trois ans après, ajoute H. Bouche, cette même fille qui est parfaitement bien guérie et ay voulu parler à son père qui, pour la gloire de Dieu et pour celle de S. M., croit assurément, comme tous les gens d’esprit et de science, 26 qu’il ne s’est jamais fait en cette sorte de guérison, un miracle plus évident. ”
Le même jour, 2 février, arriva à Aix la nouvelle que la paix avait été signée et publiée en Espagne, ce qui causa une joie extraordinaire, et le lendemain, mardi, de solennelles actions de grâces en furent rendues dans l’église métropolitaine de Saint-Sauveur. Le chœur de cette église fut disposé de cette manière : du côté de l’Evangile, vers le grand autel magnifiquement paré et décoré de toutes les reliques, était le banc des ambassadeurs où il ne se trouva toutefois que celui de Venise; du côté de l’Epître était celui des prélats, savoir : le cardinal Mazarin, l’archevêque d’Arles, les évêques de Senez, de Vence, de Grasse,. le coadjuteur d’Uzès, auparavant évêque de Saint-Paul, les évêques de Poitiers, de Rodez, de Bethléem, de Digne, de Fréjus et plusieurs abbés. Les chanoines de Saint-Sauveur occupaient le bas du chœur, du côté du prévôt. La cour de parlement en robes rouges, les présidents ayant le mortier sur la tête, prit les premières stalles du côté de l’archidiacre et la cour des comptes, aides et finances, en robes de velours noir, prit celles du côté du sacristain. Les consuls et assesseur firent tête du côté du capiscol. Les trésoriers généraux de France furent placés dans la nef de Notre-Dame-D’Espérance, et les officiers de la sénéchaussée dans la chapelle de Saint-Joseph. Un vaste amphithéâtre était élevé au centre du chœur de l’église, sur lequel le roi se plaça à droite, ayant derrière lui le duc d’Anjou, son frère, ainsi que les princes de Condé et de Conti et le duc de Longueville. A la gauche du roi fut placée la reine sa mère et derrière elle Mademoiselle, la comtesse de Soissons et autres dames, en sorte que, à l’exception du duc d’Orléans, malade à Blois, et de la princesse de Conti, qui n’arriva à Aix que le soir du même jour, toute la maison royale se trouva réunie dans le chœur de Saint-Sauveur. La ville n’avait jamais vu une pareille magnificence.
Le prévôt du chapitre entonna le Te Deum en absence de l’archevêque le cardinal Grimaldi qui, peu de jours avant l’arrivée du roi, avait reçu ordre du monarque de s’absenter de la ville. Pendant les oraisons, les mousquetons du roi firent trois décharges de leurs mousquets sur la place, devant l’église, et le soir un feu de joie fut brûlé sur la place des Prêcheurs, auquel mirent le feu le comte de Mérinville, lieutenant du roi en Provence (en absence du duc de Mercœur, gouverneur, occupé à Marseille à faire exécuter les ordres du roi), et les consuls et assesseur. Chaque particulier fit un feu devant sa maison et toutes les fenêtres furent illuminées.
Pendant qu’à Saint-Sauveur on chantait le Te Deum, le greffier du grand prévôt et les trompettes du roi publiaient la paix en différents quartiers de la ville, et le dimanche suivant, 8 février, une procession générale eut lieu, à laquelle assistèrent
tous les ordres religieux et tout le clergé séculier. Le jeudi, 12 février, à l’audience du parlement, la paix fut publiée et enregistrée, et dans l’après-midi elle fut encore publiée solennellement par le greffier en chef du parlement en robe rouge, précédé de tous les huissiers de la cour, ayant en tête le prévôt des maréchaux avec ses archers, et après lui les lieutenants de la sénéchaussée en robes de soie et les consuls en chaperon allant tous à cheval par la ville. Pareille publication eut encore lieu le 24 février, à l’audience de la cour des comptes, aides et finances. Cependant le roi, la reine sa mère et une partie de la cour étaient partis d’Aix le mercredi 4 février pour aller visiter Saint-Maximin, la Sainte-Baume, Toulon et Hyères, d’où ils revinrent par Cotignac, Brignolles et Saint-Maximin le lundi 23. Avant de rentrer à l’hôtel de Châteaurenard, le roi descendit chez sa cousine, Mademoiselle, qui était demeurée à Aix, et la complimenta sur la mort de son père Gaston d’Orléans, frère de Louis XIII, arrivée à Blois le 2 du même mois de février.
Le roi partit d’Aix une seconde fois le 2 mars et se rendit à Marseille où l’on sait qu’il voulut entrer par la brèche. Il n’y demeura que jusqu’au 8 et s’en revint à Aix où il séjourna encore quelques jours après lesquels il se mit en route le 14, passant par Avignon, le Languedoc et la Guienne pour aller conclure son mariage avec l’infante d’Espagne. 27
L’hôtel de Châteaurenard où logea Louis XIV pendant les trente-cinq jours qu’il passa à Aix en ces trois reprises différentes, était tout nouvellement décoré, à cette époque, de ces belles peintures de Daret 28 qu’on y voit encore et qui furent décrites par de Haitze, dans le premier des ouvrages que publia cet auteur. 29
La riche maison d’Aimar-d’Albi, qui possédait cet hôtel sous Louis XIV, finit en la personne de Sexte-Gabrielle d’Aimar, mariée, en 1727, à Jean-Louis-Gabriel de Thomassin, marquis de Saint-Paul, vicomte de Reillanne, président au parlement, et qui devint, par sa femme, baron de Châteaurenard. De cette maison étaient sortis plusieurs magistrats en l’une et en l’autre cour du parlement et des comptes, et quelques personnages de mérite tels que Jean-André, 30 surnommé l’Ermite, fondateur de la Chartreuse d’Aix ; François-Félix, 31 capitaine au régiment royal. connu à la cour de Louis XIV sous le titre de marquis de Châteaurenard, littérateur aimable et membre de l’académie royale d’Arles ; et Joseph, seigneur de Brès, 32 second consul d’Aix en 1700, auteur d’un ouvrage intéressant demeuré manuscrit, contenant l’histoire de la baronnie de Châteaurenard depuis les temps les plus reculés.

1 Ci-dessus, pag. 62. Retour

2 Ci-dessus, pag. 250. Retour

3 C’est-à-dire tout le long de la ligne septentrionale du Cours actuel, attendu que tout ce qui est au midi était encore hors la ville à cette époque, et la porte Saint-Jean se trouvait à l’entrée de la rue du Pont-Moreau. Retour

4 Magdelon de Vintimille, des comtes de Marseille, baron de Tourves, seigneur d’Ollioules, etc.. alors premier consul d’Aix. Retour

5 Cérémonies et ordre tenu à la réception de révérendissime Mgr Louys Alphonse Duplessis de Richelieu, archevesque d’Aix, arrivé en ceste ville le 6 décembre 1626 ; aux archives de l’Hôtel-de-Ville, Livre jaune, f° 67 v°. – Ce cérémonial avait été changé avant la révolution. M. de Boisgelin, arrivé à Aix incognito, au mois de novembre 1771, fut se loger au séminaire ; le 9 dudit mois les consuls et assesseur allèrent l’y prendre en grand cortège, et il vint avec eux, à pied, en rochet et en camail, à l’Hôtel-de-ville où une estrade avait été dressée dans la cour qui était entièrement tapissée. L’archevêque et les consuls montèrent sur l’estrade et l’assesseur fit une harangue après laquelle Mgr de Boisgelin jura sur les saints Evangiles, en qualité de premier citoyen d’Aix, de maintenir les privilèges et les droits de la ville. L’archevêque et les consuls allèrent ensuite au-delà de la Grande-Horloge où une seconde estrade avait été placée sur le coin de la première maison à droite de la rue; ils y montèrent, et Mgr de Boisgelin fut revêtu de ses habits pontificaux. Le chapitre vint le recevoir processionnellement; le capiscol le harangua, après quoi il descendit pour se rendre à Saint-Sauveur, et se plaça sous un dais dont les consuls et assesseur portèrent les bâtons; mais ayant fait quelques pas seulement, il fit retirer le dais. Tous les corps religieux de la ville bordaient la haie le long de la rue de la Grande-horloge. A la porte de Saint-Sauveur, il fut encore harangué et prêta serment entre les mains du chapitre. Entré dans l’église, il se plaça sur son trône à la droite du maître-autel. Un te deum fut chanté, et les oraisons étant finies, les consuls et assesseur allèrent lui baiser la bague pastorale, après quoi chacun se retira. – Archives de la ville, Cérémonial d’Aix, f° 181, v°. – Plusieurs archevêques ont fait depuis lors leur entrée solennelle dans Aix, suivant un tout autre cérémonial réglé par un décret impérial du 24 messidor an XII, notamment Monseigneur Joseph Bernet, comme archevêque, le 26 mars 1836, et une seconde fois comme cardinal, le mercredi 25 mars 1846, jour de la fête de l’Annonciation. Retour

6 Celui-ci vendit sa charge en 1702, pour aller occuper celle de lieutenant-général à la sénéchaussée de Marseille. On assure que le parlement, blessé de ce qu’un de ses membres l’avait quitté pour passer dans un tribunal subalterne, quoique ce fût pour y devenir chef, de simple conseiller qu’il était, mandait dans sa chambre, pour peu qu’il y eût sujet, M. de Villeneufve, à l’effet de rendre compte des motifs des sentences qu’il prononçait, ce qui ne laissait pas que d’être fort peu agréable pour l’amour-propre du lieutenant-général. Aujourd’hui personne ne se formaliserait de voir échanger une robe rouge contre un bureau de tabac, pourvu toutefois que celui-ci rendit quelques cents francs de plus que la robe, tellement les mœurs sont changées ; et, pour qu’on ne dénature les intentions qui nous dicte cette phrase, nous protestons que nous sommes loin de croire à l’accomplissement d’un pareil échange, surtout à Aix. Nous voulons dire seulement que si, par impossible, il pouvait se réaliser jamais, contre toute prévision, nul dans le public n’en serait scandalisé. Nous avons connu un solliciteur de places, qui est mort depuis, mais dont la famille se rappelle fort bien le fait dont elle gémissait, qui demandait indifféremment à ses protecteurs de Paris, une direction dans les droits-réunis et à défaut un évêché, quoique celui-ci rendît moins, avouait-il ,que la direction ; mais il s’en contentait comme un pis-aller. De pareils faits caractérisent mieux que tous les discours possibles le malheureux siècle dans lequel nous avons, dit-on, le bonheur de vivre. Retour

7 Voyez les registres de la paroisse Saint-Sauveur de 1674 à 1697 inclusiv. Retour

8 L’abbé Laugier (Marc-Antoine), de Manosque, a publié, en 1768, sur les mémoires du marquis de Villeneufve, une histoire des négociations pour la paix conclue à Belgrade, etc. (Paris, 2 vol. in-12). Dans la préface de cet ouvrage, l’auteur trace ainsi le portrait de l’ambassadeur : ” il avait toutes les qualités qui conviennent à un négociateur ; une âme modérée et sans artifice, un cœur généreux et droit, une physionomie ouverte et spirituelle, de la réserve sans dissimulation, de la gaîté sans étourderie, l’abord honnête, les manières polies, le commerce agréable. ” On ne sait pourquoi l’abbé Laugier le nomme partout Villeneuve au lieu de Villeneufve qui était son vrai nom ainsi que l’attestent sa signature et dans les contrats de sa famille que nous avons vus. Celle-ci était originaire de Grans près Salon où elle était connue dès le XIVe siècle; mais elle n’avait rien de commun avec celles des marquis de Trans, des barons de Vence et autres du nom de Villeneuve. Leurs armes même étaient différentes. Retour

9 Il fut enterré dans l’église des Prêcheurs ou Dominicains, où son épitaphe disait qu’il était mort dans sa patrie; ce qui avait paru suffisant à l’auteur du Dictionnaire des Hommes illustres de Provence, pour dire que M. de Villeneufve était natif de Marseille (tome II, pag. 332). On a vu plus haut que c’est une erreur. Retour

10 Joseph-Rollin de Villeneufve, colonel du régiment des Landes, infanterie, marié à Aix, en juillet 1743, à Anne-Rossoline de Glandevès, fille unique du comte de Pourrières, en la personne duquel s’est éteinte cette branche de Villeneufve-Forcalqueiret. Retour

11 Nous rencontrâmes par hasard, il y a huit ou dix ans, chez un fripier à la place des Prêcheurs, une grande quantité de papiers concernant le marquis de Villeneufve et sa famille, et nous en fîmes un choix que nous réunîmes en un énorme volume que nous possédons. On y trouve notamment plus de trois cents lettres de félicitation sur la nomination de son frère à l’évêché de Marseille en 1723, ou sur la sienne à l’ambassade de Constantinople en 1728. Ces lettres sont curieuses comme autographes des personnes les plus distinguées d’Aix, de Marseille, Toulon et autres villes de Provence, et de quelques personnages de la cour de Versailles. Nous en extrayons les deux suivantes écrites par l’aimable Pauline, petite-fille de Mme de Sévigné, et nous en conservons ici l’orthographe :
” Je vous prie d’estre persuadé, monsieur, que personne ne prant plus de part que moy à la joye que vous avès de la nomination de monsieur vostre frère. Recevez-en, s’il vous plaist, mes très humbles et très sincères compliments. Dieu n’a pas voulu que cette joye fust sens quelque amertume, et la mort de madame d’Oppède* y aura fait une triste diversion. C’est un événement qui intéresse tout le monde, parce qu’elle estoit estimée et honnorée généralement. L’affliction de toute sa famille est complette. Recevés aussi mes compliments sur cette perte et sur le mariage de M. de Bausset. ** Je crois qu’il y a plus de discrétion de faire passer mes très humbles compliments à mesdames de Villeneuve par vous, monsieur, que de les acabler de lettres. Ayés la bonté de vous un charger et de me croire, avec respect, vostre très humble et très obéissante servante.
Ce 27 octobre. GRIGNAN DE SIMIANE. ”
” S’estoit donc à Viviers que vous alliés, mon grand magistrat. Il falloit écarter toute idée d’ambassade, il falloit s’en moquer et en badiner. Diantre, comme vous nous enjolés. C’est une répétition de politique très excellente pour le métier que vous allés faire. Or, de touts les compliments que vous recevrés, voudriés-vous bien favoriser le mien d’un caractère de vérité, de sincérité et de joye qu’il mérite assurément. Je ne veus pas le rendre long ni ennuyeus. Je conte que nous aurons bientost l’honneur de vous revoir, *** et que ce sera en vous embrassant bien tendrement que je vous féliciteroy de tout mon cœur et que je vous donneroy mes comitions pour le Grand-Seigneur. En attendant, recevés les compliments très humbles de toute ma famille et me croyés, avec l’attachement le plus tendre, mon très cher magistrat, vostre très humble et très obéissante servante.
2 avril. GRIGNAN DE SIMIANE. ”
Je vous prie de dire quelque chose pour moy à M. d’Audiffret,**** par exemple que je l’aime et l’honnore toujours de tout mon cœur, et que je le félicite de vostre ambassade. ”
* Marie-Catherine de Forbin-Janson, femme de Jean-Baptiste Henri de Forbin-d’Oppède. morte à Aix le 25 Octobre 1723, à l’âge de 23 ans. Elle était parente de M. de Villeneufve dont la mère était née Forbin-Sainte-Croix.
** Beau-frère de M. de Villeneufve qui avait épousé sa sœur Aune de Bausset.
*** M. de Villeneufve, était à Paris lorsque cette lettre lui fut écrite d’Aix où demeurait Mme de Simiane (voyez au second volume, rue Saint-Michel).
**** Capitaine des grenadiers aux gardes-françaises, parent de M. de Villeneufve. Retour

12 C’est alors qu’il fit graver sur la porte d’entrée de son hôtel l’inscription : Veritas omnia vincit, qu’on y voyait encore prés de deux cents ans plus tard. Retour

13 Les triumphes de Pétrarque, traduictes de langue tuscane en rhyme françoyse, par le baron d’Oppède; Paris, chez les Angeliers, 1538, in-8°. Retour

14 Savoir : Vincent-Anne, le 20 novembre 1579, et Henri, le 25 avril 1620. Le premier avait eu pour secrétaire, d’autres disent pour intendant, un avocat champenois, nommé Luc de Fagoüe, natif de Reims, qui depuis s’était décrassé, comme on disait alors, en achetant une charge de secrétaire du roi en chancellerie, qu’on appelait aussi une savonnette à vilain.. Ce Fagoüe s’était marié dans Aix et avait eu six filles qu’il avait mariées toutes six fort honorablement. Nous ne citerons que l’aînée, la troisième et la plus jeune qui furent : Aymare de Fagoüe, filleule de la première présidente d’Oppède (Aymare de Castellane-la-Verdière), mariée, en 1646, à Pierre de Pitton, seigneur de Tournefort, et mère du grand botaniste Joseph Pitton de Tournefort, né en 1656 ; Angélique de Fagoüe, mariée, en 1655, à Simon l’Enfant, trésorier de France, d’où naquit Luc l’Enfant, conseiller au parlement. Celui-ci n’eut qu’une fille, Angélique de l’Enfant, mariée à Pierre-Jean de Boyer, marquis d’Argens et seigneur d’Éguilles, procureur-général au parlement, qu’elle rendit père du célèbre Jean-Baptiste de Boyer, marquis d’Argens; Françoise de Fagoüe, mariée, en 1669, à Joseph de Ripert, sieur de la Verrière, et mère de Pierre-François de Ripert, seigneur de Monclar, conseiller puis procureur-général au parlement, lequel fut père de l’illustre Jean-Pierre François de Ripert de Monclar, aussi procureur-général au parlement. – Ainsi, trois des hommes qui ont fait le plus d’honneur à la ville d’Aix, avaient un Champenois pour auteur commun, dans la personne de ce Luc de Fagoüe qui fut, comme on vient de le voir, l’aïeul de Tournefort , le bisaïeul de Monclar, et le trisaïeul du marquis d’Argens. Ce rapprochement nous a paru assez curieux, pour mériter d’être remarqué. Retour

15 Louis de Forbin, fils de Vincent-Anne et filleul du roi Louis XIII, qui le tint sur les fonts baptismaux, à Saint-Sauveur le 11 novembre 1622, fut nommé à l’évêché de Toulon en 1664, et se fit estimer par sa sagesse et la pureté de ses mœurs. il mourut en 1675. – Joseph-Magdelaine, neveu du précédent et fils d’Henri, premier président, né à Aix le 19 novembre 1658, quitta le monde à l’âge de quarante ans environ pour entrer dans les ordres sacrés et s’ensevelir dans la maison de Sept-Fonts (réforme de la Trappe), dont il devint abbé et où il mourut saintement. Retour

16 Voyez ci-dessous, rue et procession de Saint-Sébastien. – On fera bien de lire cet article avant d’en venir à celui-ci. Retour

17 Les sabreurs et les canivets, qui avaient succédé aux parlementaires et aux semestres et dont les uns tenaient pour les princes et les autres pour le cardinal Mazarin, à la suite des troubles de la Fronde, à Paris, tiraient leurs noms de ce qu’à la tête des uns était Jean-Henri de Puget, Baron de Saint-Marc, premier consul d’Aix en 1650-51, lequel portait ordinairement un sabre au lieu d’une épée, et disait, lorsque quelqu’un lui résistait : je le sabrerai et le mettrai à la raison. Les autres se composaient, en grande partie, de gens de robe qui, disait-on par dérision, avaient besoin de canifs pour tailler leurs plumes. Retour

18 Ordonnance du duc de Mercœur, dans l’Histoire de Provence de H. Bouche, tome II, pag. 1016; – Pitton, histoire d’Aix, pag. 470; – Papon, Histoire générale de Provence, tome IV, pag. 574 ; et autres auteurs. – En pareille circonstance et vers la même époque, Mathieu Molé, premier président du parlement de Paris, montra la même fermeté et le même courage ; mais comme il était sur un plus grand théâtre, on parle encore de lui dans toute la France en mille occasions et il est question de lui dans tous les dictionnaires ; tandis qu’on a presque oublié cette noble réponse du premier président d’Oppède qui en fit bien autant que celui de Paris, mais qui siégeait à Aix. Voilà la seule différence qu’il y a entre eux. Retour

19 Louis Duchaine ou Duchesne, fils d’un autre Louis, célèbre président au parlement, né à Aix le 7 juillet 1589, était chanoine de Saint-Sauveur, lorsqu’il fut nommé évêque de Senez, en 1623. Il se distingua par sa piété, sa charité et la régularité de sa conduite, et mourut à Aix, étant doyen des évêques de France, le 1er mars 1671. Il fut enterré dans l’église des Minimes, au tombeau de sa famille qui est éteinte depuis la fin du XVIIe siècle. Retour

20 Tous deux présidents au parlement. Retour

21 Voyez plus haut, rue Neuve ou Granet, pag. 166 et 167. Retour

22 Il en existe une copie à la bibliothèque Méjanes. Nous possédons dans la nôtre le manuscrit autographe qui nous fut donné de la manière la puis obligeante, il y a dix ans, par M. le marquis Charles de Grimaldi-Regusse, petit-fils du dernier président de ce nom, à qui nous en renouvelons ici nos plus sincères remerciements. Retour

23 Celui-ci a donné au public deux recueils d’arrêts de règlement du parlement d’Aix, en 2 vol. in-4°. Retour

24 Mémoires de l’académie d’Aix, t. V, pag. 181 et suiv. Retour

25 M. de Giraud d’Agay, propriétaire actuel de cet hôtel, nous a assuré que plus anciennement il appartenait aux Rascas, seigneurs du Canet. Ce serait donc là que serait né Jean-Antoine de Bagarris, le savant numismate, dont nous avons parlé plus haut, rue de la Verrerie, pag. 198. Retour

26 Si l’on ne connaissait la haute piété de Bouche, on pourrait soupçonner une ironie dans les mots que nous soulignons. Retour

27 Sur le voyage de Louis XIV en Provence, voyez les divers historiens de cette province, postérieurs à l’année 1660, et notamment pour le séjour de ce prince à Aix : honoré Bouche, Histoire de Provence, in-f°, tom. II, pag. 1026 et suivantes ; et J-S. Pitton, histoire d’Aix in-f°, pag. 485 et suivantes – Nous avons suivi peut-être un peu trop longuement le récit de ces deux auteurs, témoins oculaires de ce voyage. Mais comme il s’agissait de l’époque la plus brillante de notre histoire, nous avons pensé que les détails en seraient lus avec plaisir. Retour

28 Jean Daret, peintre, qui a laissé tant de beaux ouvrages dans Aix et qui en avait orné la plupart de nos églises, était natif de Bruxelles et se maria à Aix le 3 décembre 1639 (paroisse Saint-Sauveur), avec Magdelaine Cabassole, d’une famille consulaire de cette ville, aujourd’hui éteinte depuis prés d’un demi siècle. L’acte de célébration de son mariage le dit fils de feu Charles Daret et d’Anne Junon. Il mourut à Aix le 2 octobre 1668, à l’âge de 55 ans, laissant deux fils, Michel et Jean-Baptiste Daret, peintres, mais bien éloignés de lui pour le talent.-Voyez, au second volume, rue Cardinale. – Une curieuse et savante notice sur Jean Daret a été publiée en 1845, où nous sommes cité comme ayant découvert que cet artiste logeait à la rue Cardinale. Belle découverte, vraiment! Il n’en eût pas plus coûté de dire que c’est dans notre article sur cette rue Cardinale (Mémorial d’Aix du 19 décembre 1843), qu’ont été puisés les détails biographiques, insérés dans cette notice, sur la patrie, le père, la mère et le mariage de Daret, détails absolument ignorés jusqu’alors et bien plus intéressants que le nom de la rue où il demeurait. Retour

29 Les Curiosités les plus remarquables de la ville d’Aix, Aix, Ch. David, 1679, petit in-8°, pag. 41 et suivantes jusqu’à 61. Retour

30 Né le 15 août 1561, à Aix où il mourut le 8 février 1624. Retour

31 Fils de François d’Aimar et d’Anne d’Albi; né à Aix le 10 mars 1627 et non à Arles comme il est dit dans le Dictionnaire des Hommes illustres de Provence, tom. 1er, pag. 554. Retour

32 Né à Aix le 26 octobre 1654, baptisé en 1660, enseveli, suivant ses intentions, au cimetière de l’hôpital Saint-Jacques, le 19 mars 1738.-Nous possédons une copie de son ouvrage, qui porte le titre de Remarques chronologiques et historiques des ventes et aliénations, réunions au domaine de Provence, et autres changements de main de la terre et baronnie de Châteaurenard et de ses dépendances. On y trouve une foule de titres et de faits curieux et peu connus. Retour