Les Rues d’Aix – Place de l’université


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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PLACE DE L’UNIVERSITE

AR lettres-patentes du 31 décembre 1413, Louis II d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence, rétablit plutôt qu’il ne la fonda l’université d’Aix qui était fort ancienne, suivant le projet qu’il en avait soumis au pape Alexandre V, et que celui-ci avait approuvé par sa bulle du 5 des ides de décembre 1409, l’an 1er de son pontificat. Depuis plus de deux siècles, Alphonse ou Ildefons 1er, roi d’Aragon et comte de Provence, avait fondé à Aix une académie générale des sciences qui avait pris le nom d’Université. On connaît une foule de professeurs qui y avaient enseigné le droit bien avant le règne de Louis II, tels que :
Rostand de Capra, avant qu’il devint archevêque d’Arles en 1286. 1
Thomas Seillans, juge-mage de Provence, en 1293. 2
Pierre Boyre, Alquier Canola et Jean Cabassole qui, en 1303, furent présents à la déclaration que fît Béatrix, fille du roi Charles II, portant qu’elle ne voulait point être religieuse. 3
Jean de Juvanaro, juge-mage de Provence, en 1336. 4
Boniface de Lira dont nous avons parlé comme habitant de la Bouèno-Carriéro, en 1337. 5
François de Grossis, chevalier, enterré dans l’église de Saint-Jean en 1347, 6 et autres que nous pourrions nommer si nous ne craignions d’abuser de la patience de nos lecteurs.

Feu Aubine Henricy, avocat, 7 notre très honorable ami, avait publié, en décembre 1826, une savante et consciencieuse Notice sur l’ancienne Université d’Aix, 8 à laquelle nous ne pouvons mieux faire que de nous rapporter pour tout ce qui concerne cet établissement. Ainsi nous ne parlerons pas des illustres professeurs qui s’y sont distingués pendant le cours des deux siècles qui ont précédé son anéantissement, tels que Philibert Fézaye, Pierre Gassendi et Antoine Pagi dans la chaire de théologie; Charles-Annibal Fabrot, Joseph-Jules-François de Colonia, Jean-Joseph Julien, André Pazéry, Joseph-Sextius Siméon et Joseph-Jérôme Siméon, père et fils, dans la chaire de droit; Jacques Fontaine, Antoine Mérindol et Joseph Lieutaud dans celle de médecine; Jacques Henricy et Pierre Pontier dans l’anatomie ; Pierre Garidel et Michel Darluc dans la botanique. Nous empruntons les noms de ces savants hommes à l’ouvrage de M. Henricy ; la plupart d’entre eux, étant natifs d’Aix, se rencontreront encore dans le nôtre, et nous sommes persuadés qu’on pourrait même en augmenter le nombre. 9

Ecole de Droit.

Le chef de l’université portait le titre de chancelier et était élu à vie. Thomas de Puppio, archevêque d’Aix, né en cette ville d’une famille noble, fut nommé chancelier lors de la première élection en 1414, et depuis lors jusqu’à la révolution, les archevêques, ses successeurs, ont rempli les mêmes fonctions. Lorsque le siége devenait vacant, on élisait comme chancelier un vicaire-général, un chanoine, quelquefois même un magistrat et jusqu’à la mort de ceux-ci on n’appelait pas les archevêques à les remplacer, à moins que le chancelier ne donnât sa démission.
Les anciens statuts de l’Université consacraient quelques usages singuliers, tels que celui-ci : le recteur ou primicier était élu annuellement le premier jour de mai, dans la chapelle de Sainte-Catherine, à Saint-Sauveur. Le jour de Pentecôte, il désignait six ou huit étudiants qui, proprement vêtus et tous à cheval, devaient aller chez le révérendissime archevêque, les chanoines, les docteurs et les licenciés en droit, les officiers temporels et spirituels, les nobles et les syndics de la ville, pour leur notifier que le lendemain, entre sept ou huit heures du matin, un tel (le nouvel élu) recevrait les marques de sa dignité à Saint-Sauveur. Ils devaient ensuite se présenter aux dames (honestis mulicribus) pour les inviter aux danses qui auraient lieu le soir au palais et à la collation qui leur serait donnée. Pareille notification devait être faite aux chefs des divers couvents de la ville. Le bedeau, portant la masse de l’Université précédait cette cavalcade, ainsi que des mimes ou ménétriers également à cheval. 10
Des facultés de théologie et de droit ont remplacé, depuis 1806, l’ancienne université, et dans quelques mois une Faculté des Lettres va étendre les moyens d’instruction que cette ville offre à la jeunesse studieuse qu’elle renferme, ou qui y est attirée par la réputation et le savoir de MM. les professeurs.
Nous ne pourrions préciser l’époque de la première construction des bâtiments de l’Université sur la place où ils existent actuellement, en face de l’église de Saint-Sauveur. Nous savons seulement qu’ils menaçaient ruine en 1734 et qu’ils ont été rebâtis, tels que nous les voyons aujourd’hui, peu d’années après. 11 Au XIIe siècle, un hôpital, sous le nom de Saint-Michel, existait sur ce même emplacement.

1 Papon, Histoire générale de Provence, tome 1er, pag. 311 ; et Dictionnaire des Hommes illustres de Provence, tome II pag. 158. Retour

2 Recueil des privilèges d’Aix in-4°, pag. 225. Retour

3 Papon, Histoire générale de Provence, tome III, aux preuves, pag. 47. Retour

4 État chronologique des juges-mages de Provence, par le P. Bicays, de l’Oratoire, manuscrit. Retour

5 Ci-dessus, pag. 31. Retour

6 De Haitze, Histoire d’Aix, livre IV, § 20. – Le P. Honoré Moulin (et non Dumoulin), cordelier, Recueil manuscrit d’inscriptions, à la bibliothèque Méjanes. -M. de Saint-Vincens fils, Mémoire manuscrit sur les monuments, tableaux, statues, etc. les plus remarquables de la ville d’Aix, écrit en 1790, peu avant la destruction de la plupart des églises où ils se trouvaient au moment de la révolution. – M. l’abbé Maurin, Notice sur l’église Saint-Jean d’Aix, insérée dans le tome V des Mémoires de l’académie d’Aix, pag. 255 et suivantes. Retour

7 Né à Aix le 13 avril 1756, mort dans la même ville le 17 février 1834. – Outre sa Notice sur l’université, il en a publié une autre non moins curieuse sur l’Origine de l’imprimerie en Provence, insérée dans le tom. III des Mémoires de l’académie d’Aix, pag. 1 et suivantes. On y trouve les documents les plus exacts sur les premières imprimeries établies à Aix en 1575 ; à Marseille, en 1594 ; à Arles, en 1647 ; à Toulon, en 1704. – Le premier livre imprimé à Aix est intitulé : Traicté de l’église de Dieu contre les Calvinistes et autres qui se sont séparés et divisés d’icelle pour faire sectes à part ; petit in-8° devenu très rare, imprimé à Aix, en Provence, par Pierre Roux, 1575, au-devant la grand église Saint-Saulveur. La dédicace, à monseigneur le comte de Carces, est datée d’Aix, le 1er juillet 1574, et est signée par Jehan Pellicot, qui était un conseiller à la sénéchaussée, mort en 1583. Retour

8 Aix, Pontier fils aîné, in-8°. Retour

9 Mathieu de Montreuil, poète français, écrivain agréable et facile du siècle de Louis XIV, ayant dissipé la majeure partie de sa fortune dans les voyages et les plaisirs, s’attacha, en qualité de secrétaire, à M. de Cosnac, évêque de Valence, et le suivit lorsqu’il fut transféré à l’archevêché d’Aix. En 1690 il obtint, par la protection du prélat, le greffe de l’université, ce qui donna lieu au quatrain suivant:

Mathieu Montreuil par Boileau tant vanté
Dont la prose et les vers charmaient toute la France.
Mathieu Montreuil est en Provence
Greffier de l’université.

(De Haitze, Histoire d’Aix, mss, livre XXIV, § 27).

Le Dictionnaire historique de Ladvocat dit que Montreuil mourut en 1691; mais Moreri veut qu’il soit mort à Valence en 1692; en sorte que la question serait encore indécise, si la Biographie universelle de Michaud ne disait positivement (tom. XXX, pag. 41) que Montreuil mourut à Valence (et non à Aix) en juillet 1692. Voilà qui est affirmatif, ce nous semble. Mais voici qui nous parait encore plus certain. ” L’an 1691 et le 21e du mois d’aoust, a été enseveli dans cette église Saint-Sauveur, M. Mathieu de Montreuil, mort le même jour, âgé d’environ quatre-vingts ans, natif de la ville de Paris; présents, etc. (Registre de la paroisse de Saint-Sauveur, à Aix, année 1691, folio 50). Retour

10 Almœ Aquarum-Sextiarum universitatis vetera et nova statuta, etc.; Aix, Roize, 1667, in-4, pag. 21, 34, 36, etc. Retour

11 Cahiers de l’assemblée des communautés de Provence, 1751, pag. 62, et 1735, pag. 38. Retour