Les Rues d’Aix – Rue du Bourg d’Arpille


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DU BOURG-D’ARPILLE

EAN DE BOURG, second consul d’Aix en 1582-83, ayant été le principal auteur ou promoteur de cet agrandissement de la ville, son nom fut donné, par la reconnaissance des habitants, à l’une des plus belles rues de ce nouveau quartier.
Ce magistrat, fils d’un autre Jean de Bourg aussi consul d’Aix en 1537-38, avait d’abord été viguier de Marseille en 1580, depuis le premier mai jusqu’a pareille époque de l’année suivante. 1
Ses mémoires manuscrits, dont on trouve des copies dans quelques cabinets de curieux, 2 renferment plusieurs particularités sur ce qui se passa à Marseille à cette époque célèbre par la grande peste, dont il évalue les victimes à vingt-cinq mille dans la ville seulement; il passe ensuite aux détails de ce qui se fit à Aix, sous son consulat, pour cet agrandissement de Ville-Neuve, commencé en 1583 et continué les années suivantes. Il mourut en 1592 et fut enterré avec grande pompe dans l’église des Observantins, où se trouvait le tombeau de sa famille. Voici ce que dit de lui Fouque Sobolis, procureur au siége d’Aix, dans son journal, également demeuré manuscrit 3: ” Le samedi, jour de Nostre-Dame, 15 dudit moys d’aoust, Jehan de Bourg, escuyer d’Aix, est décédé d’un catharre, et le lendemain, jour de saint loch, a esté enseveli à l’Observance, accompagné de toute la ville, ayant eu grandes plainctes pour estre homme de bien, ayant esté consul d’Aix et fort exemplaire. ”
Nous avons remarqué dans son contrat de mariage, passé en 1571 devant Nicolas Borilli, notaire d’Aix, un usage singulier observé de son temps, duquel nous pourrions fournir d’autres exemples, et qui prouve à quel point étaient considérés et respectés, à cette époque, les membres du parlement ou de la cour des comptes. Lorsque la fille d’un de ces magistrats se mariait, si son futur mari n’était pas aussi le fils d’un magistrat, elle avait le pas sur lui et était nommée la première dans le contrat. C’est ainsi que dans celui dont nous parlons il est dit que :
” Mariage ayant été traité entre damoyselle Catherine Arbaude, fille commune de feu maistre Honoré Arbaud, sieur de Bargemont, conseiller du roy en la cour des comptes, et de damoyselle Marguerite Laugière, encore vivante, d’une part, et noble Jehan de Bourg, escuyer d’Aix, fils commun de feu noble Jehan de Bourg, en son vivant bourgeois d’Aix, et de damoyselle Catherine Proposite, encore vivante, d’autre part, par-devant, etc. ..;
furent présents ladite Catherine Arbaude autorisée de sa mère, de maistre Honoré Laugier, sieur de Collobrières, conseiller du roy au parlement, son oncle maternel, et de noble Pierre Arbaud, sieur de Bargemont, son frère, et ledit Jehan de Bourg autorisé de sa mère et de maistre Louis Antelmi, aussi conseiller au parlement, etc., lesquelles parties règlent, comme suit, leurs conventions matrimoniales, etc. ”
Nous pourrions faire d’autres remarques sur ce contrat, comme sur bien d’autres de la même époque : d’abord, que la femme ou la veuve d’un seigneur de terre, d’un gentilhomme ou d’un magistrat, ne prenait que la qualité de damoiselle, tandis qu’aujourd’hui il n’y a pas de femme d’artisan qui ne veuille être appelée madame ; en second lieu, qu’il n’était pas nécessaire alors de faire précéder son nom de la particule de, pour être noble ou réputé tel, contrairement à ce qui se pratique de nos jours, où il n’est pas de si mince bourgeois qui ne se dise monsieur de….. à l’égal des véritables nobles. Il est vrai que ceux-ci le leur rendent bien, en se titrant de marquis, de comtes, de barons, quoiqu’ils ne possèdent la plupart ni marquisats ni comtés, ni baronnies. Mais ces remarques nous éloigneraient trop de la rue du Bourg-d’Arpille, et nous y revenons.
Parmi les rues qui aboutissent à celle-ci, il en est une qu’on nomme la rue d’Arpille, parce qu’elle est bâtie sur le sol d’une ancienne prairie appartenant jadis à la famille Arpille, connue dans le consulat de cette ville dès l’an 1408. Honorée Arpille, dame de Moriez, n’ayant point eu d’enfants de noble Guillaume Bérenguier, son mari, légua cette prairie, en 1528, aux RR. PP. Prêcheurs ou Dominicains, dont le couvent était voisin de là, et ces religieux y firent bâtir des maisons sur lesquelles ils se réservèrent des censes et une directe, lorsqu’elle fut comprise dans l’agrandissement de Ville-Neuve. 4
Le souvenir de l’honorable consul Jean de Bourg s’étant effacé insensiblement de la mémoire de ses concitoyens, les ignorants s’imaginèrent que la rue de Bourg ou du Bourg avait été ainsi nommée parce qu’elle conduisait à la bourgade ou faubourg d’Arpille, et lui donnèrent, dans le siècle passé, le nom de Bourg-d’Arpille qu’elle porte encore aujourd’hui. Le peuple la désigne aussi sous le nom de rue de la Treille, à cause d’une vigne qu’un artisan qui y demeurait, avait plantée devant, sa maison pour ombrager sa boutique, disons mieux, son magasin.

1 Les viguiers entraient en fonctions le 1er mai, en sorte qu’ils les exerçaient six mois avec les consuls de l’année courante et six mois avec les nouveaux consuls. Ils étaient charges de la basse police ; présidaient les conseils de ville, etc. En 1750 la communauté d’Aix acquit l’office de viguier de cette ville et le réunit au consulat. (Voyez au 1er vol., pag. 376). Retour

2 La bibliothèque Méjanes en possède une, ainsi que M. Rouard et nous. – La maison qu’habitait Jean de Bourg le fils, où il était né et où il mourut, est celle qui fait le premier coin des rues des Orfèvres et de la Sabaterie, à gauche en descendant de l’Hôtel-de-Ville. Retour

3 Voyez au tom. 1er pag. 422. Retour

4″ Cet agrandissement n’avait pas été désigné d’une aussi grande étendue mais à la considération de la maison de La Cépède et à la sollicitation des RR. PP. Prêcheurs, ayant été consenti par la ville de mettre l’enclos de la terre de ceux-ci et le Jardin du Roi dans la nouvelle enceinte, Ville-Neuve en a été faite d’autant plus grande et aussi spacieuse qu’on la voit à présent. ” On peut juger par cette citation, tirée du Levadour ancien de l’Hôtel-de-ville, f° 54, que l’agrandissement entrepris sous le premier président d’Oppède, était dirigé vers la rue de la Plate-Forme au haut de laquelle était situé le ballouard (boulevard). – Voyez ci-dessus, pag. 4, note 1. Retour