Les Rues d’Aix – Rue des Eiguesiers


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DES EIGUESIERS

AINTENANT, à proprement parler, c’est plutôt un impasse, étant borné au nord par une aile du palais archiépiscopal mais avant la construction de ce palais c’était une rue bien habitée où ont demeuré les Guiramand, depuis le milieu du XIVe siècle jusqu’à la fin du siècle suivant. Marcellin Guiramand reçu maître-rational en 1481 et conseiller au parlement en 1505, était fils d’une sœur du grand Palamède de Forbin et de Pierre de Guiramand, seigneur de la Penne, de Lagremuse et de la Durane, maître d’hôtel de Charles III, dernier comte de Provence de la maison d’Anjou. Antoine et François de Guiramand, oncle et neveu, l’un frère et l’autre fils de ce Pierre, avaient été successivement évêques de Digne depuis 1479 jusqu’en 1513. Le premier de ces évêques avait été envoyé par Charles III, en 1481, avec Jean de Jarente duquel nous avons parlé plus haut, 1 auprès du pape Sixte IV, pour lui demander l’investiture du royaume de Naples. Tous ces personnages étaient nés dans cette rue où leurs ancêtres habitaient depuis un Mathieu Guiramand, syndic de la ville en 1368.
Les Eiguesier acquirent leur maison en 1497, et l’ayant possédée jusqu’au milieu du XVIIe siècle, c’est d’eux que cette rue a pris le nom qu’elle porte encore ; car elle s’appelait très anciennement la rue des Sparron du nom d’une autre famille noble qui y avait demeuré et de laquelle était issu un célèbre jurisconsulte, Guillaume de Sparron, qui vivait en 1341. Le 24 novembre de ladite année, ce Guillaume et un autre docteur en droit nommé Jacques Imberti, rendirent en qualité d’arbitres, entre l’évêque de Marseille Jean Gasqui et Nicolas de Valence, prieur du monastère de la Celle, un fameux jugement qui est rapporté dans l’histoire des Évêques de Marseille, par M. de Belzunce, tome II, pag. 413.
Jean Gasqui était natif d’Aix, et l’on peut voir dans la même histoire, tome II, pag. 419 et suivantes, son testament par lequel il fait divers legs à la chapelle de Saint-Martin qui appartenait à sa famille dans l’église de Saint-Sauveur d’Aix ; à chacune des filles de Pierre Gasqui, qu’il appelle son pauvre frère ; à deux autres nièces, filles d’un damoisel d’Aix, nommé Mitre Berenger ; à Jacques et Isnard Gasqui, ses autres frères, chanoines, l’un de l’église d’Aix, l’autre de celle de Cavaillon ; etc., etc. L’inventaire de ses livres et des effets mobiliers dont il dispose par ce testament fait en 1344, est fort curieux à lire.
Les Thomassin, seigneurs de la Garde logeaient dans cette rue depuis le milieu du XVIIe siècle, et s’y sont éteints avant la fin du siècle suivant. Le dernier d’entre eux a été aussi le dernier viguier d’Aix, dont l’office fut supprimé en 1750, et les attributions réunies à celles des consuls. Le viguier était chargé de la basse police et avait à ses ordres dix archers qu’on appelait la famille du viguier, 2 et qui furent remplacés, en 1751, par ce qu’on nomme encore aujourd’hui les gardes de police. Madame de Thomassin la Garde, femme de ce dernier viguier, employait utilement, dit-on, les servantes qui venaient porter leurs plaintes à son mari, contre d’autres servantes ou femmes du peuple qui se disputaient entre elles. En attendant que leur tour de comparaître devant leur juge arrivât, elle leur mettait une quenouille à la main et les faisait filer à son profit. Les vieilles gens du quartier appellent encore la rue des Eiguesier, la traverse du Viguier.


1 Voyez ci-dessus, pag. 178.

2 C’est ainsi qu’en Italie comme en Espagne les agents subalternes de l’inquisition étaient appelés familiers du saint-office.