Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DU BŒUF
A rue du Bœuf était, avant l’agrandissement de la ville, un chemin public servant de communication entre celui de Saint-Maximin et de Toulon, et un autre chemin qui, de la porte Saint-Jean, se dirigeait vers l’hôpital Saint-Lazare, où il aboutissait à la route venant de la porte des Augustins et conduisant à Marseille. Dès l’an 1336, elle était bordée de maisons et était appelée la traverse des Roget, du nom de la famille Roget, l’une des principales qui y fesaient leur demeure. La famille Garron qui avait donné quelques magistrats à la cour des comptes et au bureau des finances de Provence, y eut également son habitation depuis 1473, jusque vers la fin du siècle suivant, et c’est dans ce temps-là qu’on appela quelquefois cette rue traversière la Garrone, et non la Garonne, comme le disent mal à propos les cartes ou plans gravés de la ville d’Aix.
Cette famille Garron est éteinte depuis longtemps, et voici ce qu’on lit dans le Journal manuscrit de Foulques Sobolis, procureur au site d’Aix, sous la date du mois de mars 1603 : » Mr Me Jean Garron, conseiller du roi et auditeur en la cour des comptes, aydes et finances en ce pays, avoit fait étudier à Paris un sien fils aîné nomme Jean, lequel étoit sçavant, et étant de retour à Aix l’auroit mandé étudier en Italie, et quelque temps après l’avoit fait pourvoir d’un office de conseiller du roi au parlement de ce pays au lieu et place de feu M. de St-Césary. Ledit sieur avoit mandé quérir son fils pour le faire venir et les messagers ne l’ayant pu trouver, il y est allé en personne pour le trouver, depuis le mois de décembre 1602. Dieu l’a adressé à un couvent de St-Benoist réformé, qui est à une montagne dite Monte-Carrece, près de Pérouze, qui est à deux journées et demi loin de Rome et de N.-D. de Lorette , où il y a quarante religieux, aucuns agés de cent ans et plus, chacun ayant sa maison à part, où il a trouve son fils avec son habit blanc qu’il avoit pris depuis un mois seulement, lequel après avoir requis pardon à son père qui ne l’a pu détourner de sa religion, le fils y est demeuré et le père s’en est retourné. »
Une hôtellerie à l’enseigne du Bœuf, établie avant 1586 par un nommé Jean James, a donné à cette rue le nom qu’elle porte depuis lors.
Les quartiers de Saint-Jean et d’Orbitelle ayant été renfermés dans la ville en 1646, les religieuses de la Visitation fondèrent, en 1652, dans la rue du Bœuf, le second monastère qu’elles ont eu à Aix (le premier existant depuis 1624, dans la rue Bellegarde) ; mais elles se transférèrent, en 1671, au midi de la place du Grand-Boulevard, autrement dite de la Plate-Forme, où elles ont subsisté jusqu’à leur suppression en 1792, et vendirent, en 1674, leur couvent de la rue du Bœuf aux religieux de la Merci, détruits en 1769, avant la révolution.
Des bains publics occupent aujourd’hui leur ancien local. Ces bains sont très fréquentés et méritent de l’être par leur bonne tenue et la propreté qui y règne. Entre ces bains publics et le relais de la poste, dont nous allons parler, était situé, avant la révolution, l’hôte! de la commanderie d’Aix, de l’ordre de Malte, que le bailli de Séguiran d’Auribeau avait légué, au commencement du siècle dernier, à la langue de Provence pour y établir la demeure des commandeurs d’Aix.
Le premier relais de la poste de Paris à Marseille, établi à Aix sous Louis XIII, en 1627, fut placé dans la rue du Bœuf, et y a existé pendant près de deux cents ans, d’où vient qu’on a donné quelquefois à cette rue, le nom de rue du Relais.
La partie occidentale de la rue du Bœuf, comprise entre celles de la Monnaie et des Quatre-Dauphins, s’appelait la rue Sainte, nous ne saurions dire à quelle occasion, lorsqu’en 1811, le barbouilleur qui fit, à cette époque, tant de bévues que nous avons signalées, imagina de la réunir, de son autorité privée, à la rue du Bœuf, dont elle est, il est vrai, la continuation. Mais elle est alignée également à l’autre extrémité avec la rue Saint-Michel, et c’est à celle-ci, plutôt qu’à l’autre, qu’on eût dû la réunir, supposé qu’il y eût nécessité de faire disparaître ce nom de rue Sainte ; car celle de la Monnaie ou plutôt le chemin public dont elle a pris la place, formait, avant l’agrandissement de la ville, la séparation des quartiers actuels de Saint-Jean et d’Orbitelle ; le côté oriental du chemin était du domaine du prieuré de Saint-Jean, et le côté occidental, du domaine de l’archevêque, comme nous lavons dit plusieurs fois.
Le superbe hôtel situé sur la ligne septentrionale de cette portion de rue et qui est précédé d’une vaste cour d’honneur à côté de laquelle est un beau jardin, fut bâti, quelques années avant la révolution, par Joseph-Philippe Bonnet de la Beaume, conseiller au parlement. Ce magistrat n’en jouit jamais, les premiers troubles l’ayant contraint de se réfugier à Lyon, où il périt misérablement sur l’échafaud révolutionnaire. 1
Environ trente ans plus tard, le général Miollis acquit cet hôtel qui fut vendu après sa mort à MM. de Coriolis-Moissac dont nous parlerons ci-après, et qui y ont tenu un état de maison conforme à leur rang et à leur fortune. 2
1 Voyez au 1er vol., pag. 627, et ci-après, rue de la Monnaie.
2 Pag. 279, rue Longue-Saint-Jean.
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