Les Rues d’Aix – Rue du Cancel


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DU CANCEL

ers le milieu de la ligne méridionale de la partie inférieure de la rue du Bon-Pasteur, autrefois la rue des Trabaux, existait, de toute ancienneté, un impasse ou cul-de-sac appelé lou Canceou, 1 lequel ayant été prolongé, il y a vingt-cinq ou trente ans, jusqu’à la rue des Cardeurs, forme aujourd’hui une rue qui conserve son premier nom, quoique celui-ci ne lui soit plus applicable.
Sur l’un des côtés de cet impasse, se trouvait, au commencement du XVe siècle, une maison attenante à un vaste jardin qui, plus tard, ont été confondus l’un et l’autre dans le couvent du Bon-Pasteur. C’est là que logeait Jean Louvet, seigneur d’Eygalières, reçu président de la chambre rigoureuse 2 au mois de mars 1414, si connu depuis dans l’histoire de France, pendant les règnes de Charles VI et de Charles VII, sous le nom de président de Provence. Ce Louvet, appartenant à une famille noble du Languedoc, avait été viguier de Marseille en 1413, et s’était attaché à Louis II d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence ; mais la cour de ce prince lui paraissant un théâtre insuffisant pour son ambition, il se rendit à Paris, vers 1418, pour aller tenter la fortune à la cour de France. Il sut bientôt acquérir par ses intrigues, la confiance et les bonnes grâces du jeune Dauphin qui fut depuis le roi Charles VII, et finit par subjuguer l’esprit de ce prince, en sorte qu’il devint un de ses ministres et acquit d’immenses richesses, tandis que la France entière gémissait dans une affreuse misère. Aussi eut-il beaucoup d’envieux et se fit-il de grands ennemis qui tentèrent plusieurs fois de le culbuter ; mais il sut se maintenir, autant par sa souplesse que par le crédit de ses deux filles dont l’une partageait, disait-on, avec la belle Agnès Sorel, le cœur de Charles VII, et l’autre avait épousé le fameux comte de Dunois, le compagnon d’armes de Jeanne D’arc, dite la pucelle d’Orléans. Ayant été accusé du meurtre de Jean-Sans-Peur, duc de Bourgogne, assassiné à Montereau en 1419, il se crut trop solidement établi pour imiter l’exemple de Tanegui du Châtel, accusé du même crime, lorsque celui-ci se retira de la cour; mais en 1424 il succomba sous le poids de l’exécration publique et fut sacrifié par le roi, sur les instances du connétable de Richemont, ennemi particulier de Louvet.
Telle fut la fin de cet homme que ses contemporains nous représentent comme méchant et même cruel, opiniâtre et vindicatif, avide de biens et d’honneurs, enfin plus attaché à la puissance qu’à la personne de Charles VII.
La maison qu’il avait habitée pendant son séjour à Aix, appartenait, à la fin du même siècle, à deux personnages alors des plus distingués de cette ville : Urbain Chaussegros, seigneur de Mimet, secrétaire des commandements de la reine Jeanne de Laval, seconde femme du roi René, et receveur de cette princesse en ses terres et seigneuries de Provence, puis secrétaire rational et archivaire en 1469 ; et Guillaume Chaussegros, fils du précédent, seigneur de Mimet, de Lioux et de Gardanne, reçu maître-rational en 1481. 3

1 Mot provençal dérivé du substantif latin Cancellatus qui signifie barré, borné, limité, etc. Retour

2 Le président de la chambre rigoureuse était chargé de décerner les contraintes contre ceux qui avaient soumis leurs biens et leur personne à son tribunal. Il tenait séance à la Cour royale parmi les maîtres-rationaux ; aussi l’appelait-on quelquefois président rational. Retour

3 Boniface Chaussegros, fils de Guillaume, ne laissa qu’une fille nommée Françoise, mariée en 1501, à Bérenger d’Estienne, seigneur de Venelles et par elle de Lioux et de Mimet, dont la postérité, qui subsiste, ajoute à son nom celui de Chaussegros. Retour