Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUES DE LA FONTAINE ET AUTRES
L y avait au milieu des prairies sur les-quelles est construit le quartier de Ville-verte, une fontaine qui a donné le nom à l’une des rues de ce quartier, sans doute parce qu’elle coulait sur le même emplacement. La partie supérieure de la rue s’est appelée, au commencement du XVIIIe siècle et longtemps après, la rue de la Potière, du nom d’une femme, dite la Potière, que les recteurs de l’hôpital de la Miséricorde employaient à faire le bouillon qu’ils distribuaient aux pauvres honteux secourus par cette oeuvre de charité. 1 C’est là tout ce que nous pouvons rapporter sur cette rue, après avoir dit toutefois que M. l’abbé Aloïs-Joachim d’Isoard-Vauvenargues, 2 aujourd’hui auditeur de Rote pour la France à Rome et neveu du pieux cardinal du même nom, y est né le 28 mars 1801; il s’était distingué, jeune encore, sous la restauration, dans la magistrature qu’il quitta spontanément lors de la révolution de juillet 1830. Il n’est aucun de ses concitoyens qui ne fasse des vœux pour le voir arriver bientôt aux éminentes dignités de son oncle dans l’église.
La première maison qui fut bâtie dans la rue située entre celles de l’Ange et de la Sainte-Baume et qui est parallèle à ces deux rues, avait été construite dès 1601, époque de la naissance du Dauphin, fils aîné d’Henri IV, lequel régna après lui sous le nom de Louis XIII. C’est pourquoi on la nomma la rue Dauphine. En 1664 et non en 1720, comme le croient bien des gens , un cas de peste s’y étant déclaré, les consuls en firent murer aussitôt les avenues et la séquestrèrent ainsi du reste de la ville. Cette sage précaution arrêta sur le champ les progrès de la contagion, et depuis on a conservé à cette rue le nom de rue Fermée. 3
La rue de la Sainte-Baume est ainsi nommée à cause de l’enseigne d’une auberge dans laquelle venaient se loger, au XVIIe siècle, les pénitents de Marseille qui se rendaient processionnellement à Aix à l’époque de Pentecôte, pour se réunir aux confréries d’Aix et aller tous ensemble faire le pèlerinage de la Sainte-Baume. Ceux qui ne trouvaient pas place dans l’auberge en question, se couchaient tout simplement sur la paille dans la chapelle des Pénitents noirs, voisine de cette rue, étant située dans celle des Patis. C’est ce que nous apprenons par un manuscrit assez curieux 4 que nous possédons et de l’existence duquel personne ne se doute assurément.
Une enseigne d’auberge a donné son nom à la rue de la Couronne, qui conduit de la place des Augustins à celle des Tanneurs, et sur laquelle nous ne connaissons aucune anecdote digne d’être rapportée. Nous prions seulement le lecteur de se rappeler que l’île située au levant de cette rue et qui la sépare de celle des Tanneurs et de la rue Isolette, fut bâtie, lois de l’agrandissement de Villeverte, sur l’emplacement de l’ancien rempart où existaient les tours de Mayenqui et autres, abattues à cette époque ; et que le jeu de l’Arc se trouvait là où est aujourd’hui la rue de la Couronne, dans le fossé qui bordait le rempart extérieurement. 5
Enfin, la rue du Trésor, qui conduit du Cours au quartier de Villeverte, et qui était l’une des plus passagères de la ville avant qu’on eût ouvert l’entrée du Cours, a pris le nom qu’elle porte de l’établissement qu’y fit de ses bureaux, vers le milieu du XVIIIe siècle, M. François-Claude-Christophe-Alexandre Racine, trésorier provincial des troupes en Provence. Cet honorable habitant d’Aix, mort en cette ville en 1790, était Champenois et se disait parent du grand Racine. Avant lui, la rue dont nous parlons, s’appelait la rue du Bout-du-Cours.
1 Aix ancienne et moderne, par de Haitze ; chap. V, des Rues. Retour
2 Madame Marie-Anne-Rose Pin, son aïeule paternelle, étant veuve, avait acheté, en 1790 ou 91, la terre de Vauvenargues, près d’Aix, que le dernier marquis du nom de Clapiers (Nicolas-François-Xavier, mort en juillet 1801) fut forcé de vendre à cause des circonstances pénibles où il se trouvait alors. Retour
3 Hist. d’Aix, par Pitton, pag. 504. – La peste a affligé plus de vingt fois la ville d’Aix, depuis celle de 1348 dont nous avons rendu compte au 1er vol. en parlant de la rue Rifle-Rafle, savoir en 1390, 1416, 1421, 1451, 1467, 1494, 1502, 1507, 1521, 1522, 1530, 1546, 1564, 1580, 1581, 1587, 1629, 1630, 1650, 1664, 1720 et 1721. Assurément elle n’était jamais née à Aix ; quelqu’un l’y avait apportée. Et comment ne pas être saisi d’horreur en entendant certaines gens dire aujourd’hui que la peste n’est pas contagieuse ; que les quarantaines et les lazarets sont inutiles, et antres sottises pareilles. Dieu veut sans doute nous punir de nos folies, en inspirant la plus grande de toutes aux fortes têtes de ce siècle. Retour
4 Histoire de la compagnie des Pénitents noirs de cette ville d’Aix, sous le titre des cinq playes de N.-S. J.-C., depuis 1520 jusqu’en 1697 ; faite et écrite de la main de très célèbre frère Pierre-Louis Brochot, vivant archivaire et secrétaire de la compagnie ; un volume petit in-f° de 250 feuillets. Qui l’eût jamais dit ? Cinq cents pages pour un pareil livre ! On y lit cependant quelques faits intéressants pour l’histoire d’Aix, entre autres la chanson que nous avons rapportée au premier vol., pag. 411. Retour
5 Voyez au 1er vol. pag. 653 et 657 not 1. Retour