Les Rues d’Aix – Rue de l’Ange


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DE L’ANGE

N nommé Jean Aubert, dit l’Ange, ayant fait bâtir la première maison de cette rue, vers le commencement du XVIIe siècle, lui donna le nom qu’elle porte depuis lors et que quelques-uns attribuent mal à propos à une enseigne d’auberge ou de cabaret.
Une ancienne tradition, qui nous paraît assez incertaine, porte que l’abbé Bruéys (David-Augustin), était né dans cette rue en 1640. On sait qu’il est l’auteur du Grondeur, du Muet et de quelques autres comédies longtemps conservées au théâtre, et qu’il avait rajeuni l’ancienne farce de l’Avocat Patelin. Son histoire du fanatisme de notre temps lui fit honneur, étant curieuse et bien écrite. Quelques auteurs le font naître à Narbonne, mais le plus grand nombre avouent qu’il était natif d’Aix, où sa famille avait formé plusieurs branches, toutes actuellement éteintes. La sienne avait embrassé la religion protestante dans laquelle il était né et qu’il abjura, et les registres de ceux de cette religion ne paraissant plus, on ne connaîtra probablement jamais l’époque précise de sa naissance. On sait seulement qu’il mourut à Montpellier, le 25 novembre 1723 , âgé de quatre-vingt-trois ans. – Mon neveu dit que j’y vois un mieux, répondit-il un jour à Louis XIV, qui avait la bonté de lui demander comment allaient ses yeux, car il avait la vue très basse et portait habituellement des lunettes. 1

La maison dont la porte d’entrée est la troisième de cette rue, à gauche en venant par la place des Tanneurs, est celle où était né, le 23 octobre 1766, feu Mgr Joachim-Jean-Xavier d’Isoard, mort cardinal de la sainte église romaine, archevêque d’Auch. Élevé au grand-séminaire d’Aix, avant la révolution, avec le célèbre Lucien Bonaparte, il dut à la vive amitié qui les unissait, la faveur dont il jouit quelques années plus tard auprès du général, frère de Lucien. Cet illustre général, à qui la Providence réservait de si hautes destinées, attira auprès de lui, en Italie, les trois frères d’Isoard (celui dont nous parlons était l’aîné), et les garantit ainsi des persécutions que les jeunes gens d’un certain rang essuyaient dans notre pays à cette époque ; et si le plus jeune des trois s’y fût prêté, il lui eût donné en mariage sa sœur Pauline, qui a été depuis la princesse Borghèse. Mais une autre inclination ramena celui-ci dans sa patrie, et Bonaparte devenu premier consul, le nomma directeur des droits-réunis dans le département de Vaucluse, lorsqu’il établit l’impôt sur les boissons, inconnu jusqu’alors dans nos contrées; comme il nomma un peu plus tard le second des frères d’Isoard grand prévôt ou chef de la cour prévôtale des douanes, qu’il établit à Aix dans les dernières années de l’empire. Quant à l’aîné des trois frères, dès le mois de décembre 1802, Bonaparte, premier consul, l’avait créé auditeur de Rote pour la France à Rome ; poste important qui conduit presque toujours au cardinalat, surtout lorsque le sujet se distingue par sa capacité et sa pieuse conduite. En effet, S. S. le pape Léon XII revêtit l’auditeur de Rote de la pourpre romaine en 1827, et l’année suivante le cardinal d’Isoard ayant été nommé à l’archevêché d’Auch par le roi Charles X, fut sacré en cette qualité à Paris, le 11 janvier 1829, et créé duc et pair de France. Transféré à l’archevêché de Lyon le 13 juin 1839, il attendait à Paris ses nouvelles bulles, lorsqu’il y mourut le 7 octobre suivant, emportant l’estime et les regrets du Saint-Père et de tout le sacré collège dont il était l’un des principaux ornements. Son corps fut porté à Auch pour y être inhumé dans la cathédrale du diocèse qu’il avait édifié pendant dix ans par sa charité et ses vertus.

 

1 Voyez la Biog., univ. de Michaud, tom. VI, pag. 83. Retour