Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUES DE LA CHARRETTERIE,
DU CHEMIN-DE-VAUVENARGUES
ET AUTRES
N ne doit pas s’attendre, disions-nous dans le Mémorial d’Aix du 30 juillet 1845, à ce que chaque rue de la ville fournisse une anecdote ou un trait d’histoire assez intéressant pour être rapporté. Plusieurs rues n’offrent à la curiosité du lecteur que l’étymologie de leur nom ou une légère circonstance qui n’exige pas un bien long développement. Nous en avons donné plusieurs exemples dans notre premier volume ; il en sera de même dans celui-ci.
Ainsi, la rue de la Charretterie tire son nom d’un charretier nommé Jean de Beauvois, qui y fit construire, en 1594, la première maison qui y ait été bâtie. Nous n’en savons rien de plus, sinon qu’elle a été connue fort longtemps sous le nom de rue de l’Eglise-du-Collége, alors que les Jésuites et plus tard les Pères de la Doctrine Chrétienne, dirigeaient le collége Royal-Bourbon, dont l’église fait face à cette rue. Cette église, sans doute une des plus jolies de la ville, existe encore en son entier. Les Pères de la Foi l’ont acquise sous la restauration et n’ont pas la permission aujourd’hui de l’ouvrir au public auquel elle serait cependant d’un grand secours. Si des Israélites ou des Musulmans l’achetaient pour la convertir en synaguogue ou en mosquée, nul doute qu’ils n’y fussent autorisés en vertu de l’article de la Charte-Vérité, portant que chacun professe sa religion avec une égale liberté et obtient pour son culte la même protection. Mais les Pères de la Foi ! oh ! fi donc ! des Jésuites déguisés! haro !
La rue dite du Chemin-de-Vauvenargues est construite sur une partie de l’ancien chemin qui, avant l’agrandissement de Ville-Neuve, conduisait à Vauvenargues, et elle en a conservé le nom. Bien des gens ne l’appellent que la rue de Vauvenargues ; il serait très bien, en effet, de consacrer publiquement la mémoire du vertueux moraliste auquel notre ville s’énorgueillira à jamais d’avoir donné le jour ; mais la rue dont nous parlons est si sale, qu’il serait assurément peu décent de lui appliquer le nom d’une de nos plus glorieuses illustrations.
Le citoyen obscur de qui la rue des Bretons porte le nom, ne s’imaginait pas certainement que deux siècles après lui, son existence serait révélée publiquement aux descendants de ses contemporains dont la plupart ne l’avaient peut-être pas même connu. Suivant le Levadour ancien des censes de l’Hôtel-de-Ville, 1 un paysan appelé Jean-Geoffroy des Bretons dit Buou laïgo, acheta de la ville, en 1657, une petite maison adossée au rempart de Ville-Neuve et voisine de celle de la Fonderie dont nous parlerons dans un instant. Cette maison faisait face à la rue qui borde actuellement au nord l’église du collége Royal-Bourbon ou des Jésuites, et le nom des Bretons fut donné à cette rue où cette église n’existait pas encore, et qui n’avait pas sans doute d’autre habitant plus remarquable que ce paysan.
Une maison que la ville fit bâtir en 1593, pour servir de corps-de-garde à ce quartier, et qu’elle céda gratuitement, soixante ans plus tard, à Jean Suchet, fondeur de cloches, a donne le nom à la rue de la Fonderie. « Ce don fut fait sans rente ni cens, disent les registres de l’Hôtel-de-Ville, en considération que Jean Suchet servait alors la ville à fondre canons et boulets, et servait même de canonnier lors des dernières guerres de ce pays, et que d’ailleurs il n’y avait en ce temps-là aucun fondeur dans la ville. « 2 Il est ici question des troubles du Semestre dont nous avons parlé plusieurs fois, 3 et à la suite desquels le comte d’Alais, gouverneur de Provence, tint la ville comme assiégée et ravagea son territoire. Suchet ne coulait pas apparemment une quantité suffisante de canons, puisqu’un nommé La Hausière, charpentier, offrit d’en fabriquer en bois cerclés en fer. On eut la bonhomie d’accepter sa proposition, et, malgré la confiance qu’on avait en cet habile artilleur, les canons crevèrent à la première épreuve qu’on en fit. Les Suchet exerçaient encore l’état de fondeurs, à Aix, il n’y a pas plus de trente ans.
1 Aux archives de la ville, f° 89. Retour
2 Levadour ancien aux archives de la ville, f° 89 v°. Retour
3 Voyez au 1er vol., les rues de la Boucherie, de la Sabaterie de Saint-Sébastien, etc. Retour