Les Rues d’Aix – Eglise de Ste Magdelaine


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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ÉGLISE PAROISSIALE

DE SAINTE-MAGDELAINE,

ANCIENNEMENT

DES DOMINICAINS

ERS l’an 1218 les Dominicains avaient été reçus dans Aix et furent logés d’abord au quartier des Fontêtes, non loin du bourg des Anglais. Mais ils n’y habitèrent pas longtemps, car sept ou huit ans après ils vinrent s’établir au levant de la ville et en dehors des murs, dans le voisinage du palais des comtes de Provence. C’est là qu’ils commencèrent à bâtir au moyen des libéralités du comte Raymond-Bérenger IV, une église et un couvent magnifiques, entièrement achevés avant la fin du même siècle. Ce couvent, disent nos anciens historiens, avait deux grands cloîtres : l’un situé le long des rues actuelles de Bellegarde et de Suffren l’autre, sur le local même que ces religieux ont occupé depuis lors jusqu’à la révolution et qui subsiste encore aujourd’hui.
En 1383, un violent incendie consuma entièrement ces édifices qui furent reconstruits en partie, notamment l’église dont le couvert s’écroula subitement cent deux ans après, c’est-à-dire en 1485, le 28 décembre, jour de la fête des Innocents. Il ne paraît pas que personne ait été victime de ce désastre ; mais que d’actions de grâces ne dût-on pas rendre au ciel de ce qu’il n’avait pas eu lieu quelques jours plus tôt, lorsque la solennité des fêtes de Noël attirait un si grand nombre de fidèles dans les lieux saints.
Le grand missionnaire, saint Vincent Ferrier, visita trois fois la maison des Dominicains, savoir : en 1400, en 1401 et 1408 ; à cette dernière époque, les syndics ou consuls de la ville allèrent le complimenter, revêtus des marques de leur dignité, et donnèrent deux florins d’or au couvent à cette occasion. On remarqua qu’il ne mangeait point de viande, quoique les autres religieux se permissent de le faire. En mémoire de son passage, on plaça dans l’un des dortoirs une statue de ce saint avec un bonnet noir sur la tête, dans la main gauche un bâton, et dans la droite une flamme d’où sortait un rouleau portant cette inscription : Finis venit universœ carnis, qui était le sujet ordinaire de ses prédications.
Dès la fondation de l’église et du couvent, le maître-autel fut dédié la mère de Dieu, mais sa décoration a été changée plusieurs fois. Celle-ci ne consista d’abord qu’en une simple peinture sur bois, appliquée contre le mur, où l’on voyait la mère de Dieu assise sur une chaise, tenant l’Enfant Jésus sur son bras gauche et une rose à la main droite. A ses côtés étaient saint Dominique et saint Louis roi de France. Cet autel, épargné par l’incendie de 1383, eut besoin de réparation trois ans plus tard, et il en coûta six deniers pour cela, ainsi qu’il est porté au livre de la dépense de 1386 : Die quinta novembris pro vino expenso quo fuit purgatum tabularium sive retaule altaris majoris… 6 den. 1
En 1450, il fut reconstruit en pierres et l’on y plaça la figure de Notre-Dame-de-Pitié, tenant son divin fils dans les bras. Aux pieds de la statue de la Vierge, on lisait, sur une grande pierre carrée, l’inscription suivante : O vos omnes attendite et videte si est dolor similis sicut dolor meus, ann. dni, 1450 ; et cette autre inscription en patois provençal

MAIRE DE PIETIA
REGARDAS PER VOSTE BONTA
COUSSIN MON FILS AN NAFFRAT. 2

Cet autel a servi jusqu’en 1630, époque à laquelle fut faite une nouvelle décoration, au moyen d’une amende de mille fr., qui fut appliquée au couvent des Dominicains, par arrêt du parlement du mois de juin 1628 ; voici à quelle occasion. Le jour de Pentecôte de la même année, le président de Forbin la Roque, était allé entendre les vêpres dans cette église et avait sa place au haut d’un banc destiné à cet effet aux officiers du parlement, lorsque Pierre d’Hostager, seigneur de Courmes, gentilhomme marseillais et maître d’hôtel du roi, arriva et prit place après lui, sut le même banc. L’avocat-général Pierre Decormis arriva ensuite et ne voulant point être séparé du président de la Roque, il invita M. d’Hostager à lui céder la place. Celui-ci s’y étant refusé et la dispute s’échauffant, malgré les sages remontrances du président, le maître d’hôtel s’emporta jusqu’à donner un soufflet à l’avocat-général. Une insulte aussi grave, faite publiquement et dans un pareil lieu à un magistrat aussi recommandable que M. Decormis, excita l’indignation du parlement, et dès le lendemain M. d’Hostager fut décrété de prise de corps et emprisonné à la conciergerie malgré sa qualité de maître d’hôtel du roi. Ses amis parvinrent à le faire évader quelques jours après ; mais le parlement le condamna à une amende de mille francs, en réparation de son irrévérence, ainsi que nous avons dit.
La chapelle du St-Sépulcre, aujourd’hui dédiée à Sainte-Magdelaine et qui est située dans le transept du nord de cette église, était ornée avant la révolution d’une douzaine de personnages en bois, peints ou dorés et de grandeur naturelle, représentant la mise du Sauveur au tombeau. Cet autel se trouve actuellement chez les pénitents gris (ou bourras) de la rue Beauvezet. C’était un ex-voto de Pierre Mathei, seigneur du Revest, l’un des conseillers de l’institution du parlement d’Aix, et datait de l’an 1515, suivant un auteur des plus estimables et assurément des plus estimés du pays. Malheureusement le même auteur dit dans un autre ouvrage de sa façon que Antoine Donati, seigneur de St-Antonin, aussi conseiller au parlement l’avait fait faire en 1534. Qui donc faut-il en croire ? Mais la contradiction n’est qu’apparente suivant un autre auteur non moins recommandable, qui nous en donne l’explication que voici ; suivant lui ce serait bien la famille Mathei du Revest qui aurait fait faire cet ex-voto en 1515, et elle le destinait à l’église de N.-D. de Beauvezet, occupée alors par les pénitents blancs. Le don, ajoute-t-il, n’en put être fait parce que les pénitents quittèrent la chapelle, et Antoine Donati, héritier des Mathei, en fit présent à l’église des Dominicains.
Celle-ci fut reconstruite en 1691, telle que nous la voyons aujourd’hui, et ne fut entièrement terminée qu’en 1703. C’est assurément la plus belle église moderne de cette ville et même de tout le département. Le maître-autel, avons-nous dit, avait été placé jusqu’alors au fond de l’abside, contre le mur, et le chœur se trouvait en avant comme celui de l’église métropolitaine de Saint-Sauveur. En 1691, cet ordre fut changé ; le chœur fut placé derrière l’autel et celui-ci porté en avant ainsi que nous l’avons vu jusqu’à ce jour. C’est l’ancien ordre auquel on est revenu en 1845, en reportant l’autel au fond de l’abside, non pas toutefois adossé contre le mur, maïs à une petite distance de celui-ci, et le chœur a été rétabli tel qu’il existait autrefois, pareil à celui de Saint-Sauveur : changement approuvé par les uns et critiqué par les autres, comme tout ce qui se fait en ce bas-monde…3
Les ordres religieux avant été supprimés dès le premier jour de la révolution, l’église des Dominicains fut désignée pour remplacer celle de la Magdelaine infiniment moins vaste et moins belle, qu’on démolit à cette époque, et le culte paroissial y fut transporté, le 7 mai 1791, par le clergé constitutionnel. Deux ans et demi après, ce clergé ayant été proscrit à l’égal des prêtres non assermentés auxquels ils avaient succédé, l’église fut fermée vers la fin de l’année 1793 ; puis ouverte momentanément en 1795. Alternativement ouverte ou fermée jusqu’en 1798, suivant l’esprit des partis qui régnaient dans ces malheureux temps, elle fut, à cette dernière époque, transformée en Temple de la Raison. C’est là que les corps constitués allaient chaque décadi entendre la lecture des bulletins officiels des lois et des armées, assaisonnés de déclamations plus ou moins violentes contre les tyrans, d’apologies plus ou moins mielleuses des vertus républicaines, etc.
En 1802, l’église de Sainte-Magdelaine, anciennement des Dominicains, fut enfin rendue à l’exercice du vrai culte et elle fut consacrée, le mardi 30 avril 1822, par M. de Bausset, archevêque d’Aix, assisté de MM. de Morel-Villeneuve de Mons, archevêque d’Avignon, et Miollis, évêque de Digne , en présence de M. de Richery, nommé à l’évêché de Fréjus, depuis archevêque d’Aix. L’ancienne église avait été consacrée, le 9 janvier 1452, par Robert Damiani, alors archevêque de la même ville.
A l’occasion de quelques ouvrages que M. le curé de la paroisse Sainte-Magdelaine fit exécuter, en 1845, dans le chœur de son église, on parla beaucoup à Aix du tombeau de Fr. André Abellon, religieux dominicain, mort en odeur de sainteté en 1450, que ces ouvrages mirent a découvert. Nous eûmes en quelques pages, tout ce qui a été écrit sur Abellon par nos anciens historiens, tels que honoré Bouche, Pitton, de Haitze, le président de Saint-Vincens, etc., ainsi que divers documents inédits, et nous publiâmes ce recueil avec une lithographie représentant la pierre tombale de ce religieux. 4
A la même occasion, on rappela qu’un assez grand nombre de personnages distingués par leur savoir, par leur naissance ou par leurs dignités, ont également reçu la sépulture dans la même église, et nous allons faire connaître les principaux d’entre eux, en suivant l’ordre chronologique :
Pierre d’Allamanon, évêque de Sisteron, d’une très noble famille de Provence éteinte depuis longtemps, mort à Aix sur la fin de l’année 1303. Ami du prince Charles, fils de Charles 1er d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence, il le suivit dans sa captivité en Aragon, et lorsque ce prince monta sur le trône en 1285, sous le nom de Charles II, celui-ci ne tarda pas à reconnaître l’attachement de son fidèle ami, en lui procurant l’évêché de Sisteron.
Jacques de Cabrières de Concoz, aussi religieux dominicain, confesseur du pape Jean XXII, nommé par lui évêque de Lodève, puis archevêque d’Aix en 1322. Il mourut à Aix le 1er mai 1329 et voulut être enseveli dans l’église que son ordre possédait en cette ville.
Isnard de Glandevès, surnommé le grand, baron de Glandevès, seigneur de Cuers et de Pourrières, dont la famille, l’une des plus illustres de Provence, s’était divisée en huit ou dix branches, la dernière desquelles s’est éteinte à la chambre des pairs, peu après 1830. La reine Marie de Blois, tutrice de Louis II, sou fils, comte de Provence, l’employa utilement dans la haute Provence, lors des troubles suscités par Raymond de Turenne , à la fin du XVIe siècle, et il remit cette partie du pays sous l’obéissance du roi. Il mourut à Aix en 1409 et fut inhumé le 21 mars dans l’église des Dominicains. Ses obsèques furent magnifiques, et l’évêque de Grasse y officia. Suivant ses intentions et conformément à l’usage alors observé aux funérailles des hauts barons, deux hommes à cheval, l’un vêtu de blanc, l’autre de noir, aux armes de la maison de Glandevès, portaient chacun un drapeau ou plutôt une bannière ornée des mêmes armes et traînant jusqu’à terre. Les chevaux que montaient ces porteurs de bannières étaient de la valeur de quinze florins, et furent ensuite donnés à la chartreuse de Montrieux.
Pierre Contier, médecin du roi René, mort à Aix en 1464, enterré au pied de l’autel de la chapelle alors dédiée à saint Hyacinthe (la troisième à gauche en entrant dans l’église, où se trouvait naguère la statue de N. D. de Grâce , transférée, en 1844, au fond de la même nef). Son épitaphe, en caractères gothiques, se voit encore autour de la pierre sépulcrale où il est représenté avec le costume du temps. Voici ce qu’elle porte :
Hic jacet egregius et nobilis quondam vir magister Petrus Conterii, regius physicus et consiliarius, habitator hujus civitatis Aquensis, qui obiit anno 1464, dic 14 novembris, cujus animam possideat paradisus.
Jeanne de Lorraine, petite-fille de notre bon roi René, fille de Ferry de Lorraine comte de Vaudémont et de Yolande d’Anjou, sa femme, fille de René. En 1473 elle épousa le cousin germain de sa mère, Charles d’Anjou, comte du Maine, qui fut depuis l’héritier du roi René, son oncle, et qui mourant sans enfants, au mois de décembre 1481, légua la Provence à Louis XI, roi de France, son cousin germain. Au mois de janvier précédent, ce prince avait perdu sa femme qui, par son testament du 22 dudit mois de janvier 1480 (v. st. ) élut sa sépulture dans l’église des Dominicains. Elle légua à cet effet 2500 écus pour la construction d’une chapelle royale dans cette église où elle serait ensevelie ; mais Charles III, dernier comte de Provence, son mari, n’eut pas le temps d’exécuter cette fondation, et le roi Louis XI qui fut l’héritier de Charles III, ne s’en occupa pas davantage; en sorte que le corps de la princesse resta déposé sans honneurs, dans une caisse de plomb, au côté droit de l’abside, dans l’épaisseur de la muraille du clocher. Un simple drap noir marqué d’une croix blanche et des armes de la défunte, appliqué contre le mur, a seul indiqué pendant deux siècles environ, cette sépulture royale et a fini par disparaître entièrement. Il paraît même par les fouilles qui furent faites en ce lieu, en 1845, que la caisse de plomb a disparu aussi, puisqu’on n’a découvert que des ossements de femme, autant qu’on a pu en juger, et on a accusé de cet enlèvement les vandales de 1793. Ne serait-il pas convenable, aujourd’hui qu’on est si prodigue d’inscriptions pour moindre sujet, d’en consacrer une de quelques lignes à la mémoire de la femme de notre dernier comte particulier, à la petite-fille du roi René, l’idole des Provençaux ? Nous laissons à qui de droit, le soin de répondre à cette question.
Jean de Poitiers, seigneur de Saint-Vallier, marquis de Courton, gouverneur et grand-sénéchal de Provence mort à Aix en 1518.
René Matheron, filleul du roi René et quatre fois premier consul d’Aix, savoir : en 1498, 1504, 1512 et 1520. Il mourut en 1534 et non en 1552, comme l’a fait croire son épitaphe qui porte la date de l’année où elle fut posée et non celle de la mort de Matheron. Cette épitaphe a été souvent imprimée, mais toujours inexactement, parce que le premier qui l’a publiée l’ayant mal lue, ses copistes n’ont pas pris la peine d’y regarder de si près. Si quelque nouveau compilateur veut la publier encore, nous lui conseillons de la chercher d’abord, car nous ignorons où elle a passé, et de la mieux lire ensuite avant de la livrer à l’impression. La voici telle qu’elle était gravée sur le marbre, s’il faut en croire un vieux manuscrit :

Icy gist mort en bon renom
Le noble René Matheron
Jadis seigneur de Peynier
Que la mort print et fist finier
Bon citoyen le tenoist-on
Aussy vrav patriote bon
Or vueillez Dieu pour luy prier
Qu’en paix puisse requiescer
Amen
1552 du 5 febvrier

Les savants ou illustres personnages que nous venons de mentionner, ne sont pas les seuls dont la mémoire mérite d’être conservée. Jean de Sade, Seigneur de Mazan, et Jean des Rollands, son petit-fils, seigneur de Réauville, successivement premiers présidents de la cour des comptes, aides et finances de Provence, furent ensevelis dans la même église des Dominicains, l’un en 1600, l’autre en 1607.
Avant eux, Etienne de Mantin, 1er consul d’Aix, procureur du pays en 1563-64 et chevalier de l’ordre du roi, y avait été enterré en 1578. Théodoric de Mantin, son fils, vice-amiral des mers du Levant sous Louis XIII, fut un des plus grands hommes de mer de son temps ; il se signala dans un combat contre cinq vaisseaux algériens, en vue de Sarragosse en 1620 ; 5 puis à la reprise des îles Sainte-Marguerite sur les Espagnols, en 1637.
Un grand nombre d’anciennes familles d’Aix, dont la sépulture se trouvait aussi dans cette église, avaient fourni des magistrats distingués, soit au parlement et à la Cour des comptes, soit au bureau des finances de la généralité d’Aix, soit enfin à l’Etat consulaire de cette ville.
Nous citerons entre autres : les Aimar, seigneurs de Puymichel et de Pierrerue, les Albert, seigneurs de Saint-Martin, de Sainte-Croix, de Saint-Hippolyte et autres, les Antelmi, les Arnaud, seigneurs de Rousset, les Augeri et les Arpille ; les Bardelin, les Blanc, seigneurs de Ventabren, les Bonaud-Saint-Pons, seigneurs de la Galinière, et les Brueys ; les Decormis, seigneurs de Beaurecueil, les Dumas et les Dupérier ; les Félix, les Gallaup, seigneurs de Chastueil, les Gantès, seigneurs de Valbonnette, les Gautier, seigneurs d’Artigues et de Valabre, les Grognard et les Guidi ; les Honorat, les Lestang-Parade, les Matheron, seigneurs de Salignac et de Peynier, les Mayol, les Maynier-Bussan et les Monier, seigneurs de Melan et de Châteaudeuil ; les Payan, seigneurs de Saint-Martin, les Peyssonnel, seigneurs de Fuveau, les Piscatoris et les Pigono ; les Ricard, marquis de Bregançon, les Roux, 6 les Saint-Marc, les Saqui, seigneurs de Sannes et de Collobrières, les Saurin et les Ségur, seigneurs de Luynes ; les Simiane-la-Coste, marquis de Simiane-les-Aix, les Spinola, les Thibaud-Tisati et les Thoron, seigneurs d’Entrages ; les Traversery, les Villeneufve, barons d’Ansouis, et les d’Yse.

Plusieurs personnages dont nous avons déjà parlé ou dont nous parlerons dans le cours de cet ouvrage, appartenant aux familles que nous venons de nommer, reposent dans cette église, tels que le poète Claude Brueys, François Dupérier, l’ami de Malherbe, et l’avocat Scipion Dupérier son fils, surnommé le Papinien moderne, le grand Peiresc, l’avocat Joseph-Ignace Saurin et autres.
De très beaux tableaux sont à remarquer dans cette église 7 plus que dans aucune autre de cette ville, ainsi que deux statues de la Vierge. L’une en marbre, ouvrage de Chastel, et peut-être le chef-d’œuvre de cet admirable artiste, est une Annonciation ; l’autre en bois, représentant Notre-Dame-de-Grâce, existait, avant la révolution, dans l’église des Cordeliers, 8 et avait été donnée, dit-on, à ces religieux par saint Bonaventure ; au moins est-il certain qu’elle date du XIIIe siècle, et que depuis cinq cents ans on n ‘a jamais invoqué en vain Notre-Dame-de-Grâce dans les calamités publiques et principalement dans les grandes sécheresses. Nous en avons vu, au mois d’avril 1830, un exemple mémorable dont tous les habitants d’Aix peuvent se souvenir. 9 Les particuliers ont éprouvé aussi, mille et mille fois, la puissante intercession de Notre-Dame-de-Grâce, ainsi que l’attestent les nombreux ex-voto suspendus à l’entour de son image.
Lors de la suppression du couvent des Cordeliers en 1791 cette statue fut transférée solennellement, le dimanche 22 mai de la même année, dans l’ancienne église des Dominicains, également supprimés, et devenue, avons-nous dit, depuis le 7 du même mois de mai, l’église paroissiale de Sainte -Magdelaine. Comme cette translation fut faite par les prêtres assermentés, beaucoup de paroissiens, demeurés fidèles à leurs anciens pasteurs, s’abstinrent de paraître à cette procession, et pour suppléer au nombre, le cercle des Amis de la constitution y assista 10 sur l’invitation des prieurs de la confrérie de Notre-Dame-de-Grâce, ainsi que le régiment de la vieille-marine, alors en garnison à Aix.

1 Cet alinéa et le suivant sont extraits d’un manuscrit autographe du R. P. Louis Forrat, de l’ordre des fières Prêcheurs, docteur en sainte théologie, originaire du vicariat de Briançon et prieur du couvent d’Aix ; lequel manuscrit de 143 pag. petit in-4°, commencé en 1757 et continué les années suivantes, est en notre pouvoir et renferme une foule de détails curieux sur cette église. Retour

2 NAFRAR ou NAFFRAR, verbe ; Blesser, Meurtrir. – Lexique roman, ou dictionnaire de la langue des troubadours. par M. Raynouard. Retour

3 Nous avons entendu dire à bien des gens qui passent pour avoir du goût  » qu’on aurait pu amasser de quoi faire à cette belle église une façade dont elle manque, si on eût mis de côté tout l’argent qu’on y a dépensé, depuis près de cinquante ans, en babioles, en colifichets, en fanfreluches, etc.  » Retour

4 Notice sur André Abellon, religieux dominicain, mort en odeur de sainteté, à Aix en 1450. Aix, Aubin, 1845, 16 pag. in-8°. Retour

5 Ruffi, Histoire de Marseille, liv. IX, § 72 et suiv.-Diction. des hommes illustres de Prov., tom. 1er , pag. 474. Retour

6 Voyez ci-dessus, pag. 174. Retour

7 Aix ancien et moderne, par M. Porte, 2e édition, pag. 165. Retour

8 Voyez ci-dessus, pag. 442. Retour

9 Voyez la Notice sur la dévotion établie dans la ville d’Aix en l’honneur de la très sainte Vierge, sous le titre de Notre-Dame-de-grâce ; Aix, Gaudibert, avril 1830, 22 pag. in-12. Retour

10 Nous puisons ce fait dans un registre in-f°, recouvert en parchemin et fort curieux, que le hasard nous fit trouver sur la place des Prêcheurs, chez un fripier, au mois d’avril 1844, intitulé Second livre des délibérations de la société des Amis de la constitution établie à Aix, département des Bouches-du-Rhône, commencé le 3 décembre 1790, l’an II de la liberté. Ce registre contient 370 pag. et finit au 13 juillet 1791. Quoique isolé et séparé du précédent et de ceux qui ont dû le suivre, il n’en est pas moins précieux pour l’histoire de ces premiers temps de la révolution. Les évènements du mois de décembre 1790, lors desquels furent pendus, à des réverbères sur le Cours, MM. Pascalis, de la Roquette et de Guiramand, y occupent une place importante. Nous en parlerons dans notre second volume. Retour