Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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PLACE DES PRECHEURS
ous avons cru inutile, en parlant de la rue du Pont-Moreau, de répéter ce que nous avions dit plus haut : 1 que la ligne orientale de cette rue ne fut bordée d’abord que par le rempart au-delà duquel se trouvèrent les fossés de la ville. Ce rempart et ces fossés, disions-nous, furent remplacés, à l’époque du septième agrandissement, vers la fin du XVIe siècle, par l’île de maisons que nous voyons actuellement entre la rue du Pont-Moreau et la rue Ganay. 2
Il n’en fut pas de même à l’égard de la place des Prêcheurs dont la ligne orientale fut bordée de belles maisons assortissant la nouvelle façade que le roi René fesait construire sur la ligne opposée, au levant du palais comtal, et les autres maisons qui existaient déjà à la suite de ce palais, en remontant vers les rues des Trois-Ormeaux et de Bellegarde.
Celle de ces nouvelles maisons qui fait aujourd’hui le coin de la place et de la rue du Grand-Boulevard ou de la Plate-Forme, en face de celle du Pont-Moreau, était habitée, peu avant le milieu du XVIe siècle, par Guillaume Guérin, avocat, général au parlement, connu par le rôle odieux qu’il joua dans la mémorable affaire de Cabrières et de Mérindol et par sa fin tragique. Traduit à raison de cette affaire devant le parlement de Paris avec Jean Maynier, baron d’Oppède, premier président de celui d’Aix, le président Lafond, les conseillers de Badet et de Tributiis, et les autres exécuteurs de cette horrible boucherie, il s’en fût tiré sans doute comme eux, si son animosité personnelle contre d’Oppède ne l’eût porté à fabriquer des pièces fausses, à raison de quoi il fut condamné a être pendu, ce qui fut exécuté sur la place des Halles, à Paris, le 20 avril 1554. 3 Sa tête fut envoyée à Aix et plantée sur un pieu à la place des Prêcheurs, soit sur l’échafaud qui y était dressé, soit devant sa maison même. La tradition porte que le jour de son exécution a Paris, sa femme, étant à jouer aux cartes, à Aix, avec quelques dames de ses amies, vit sur la paume de sa main l’empreinte de la tête ensanglantée de son époux, qui lui apparaissait en vertu du pouvoir d’un magicien qu’elle avait consulté. Ce conte ridicule n’a pas besoin d’être réfuté.
La maison qu’avait habitée Guérin fut acquise depuis par Honoré d’Agut, conseiller au parlement, né à Aix le 25 novembre 1565, mort en 1643, âgé d’environ 78 ans. Ce magistrat a laissé des mémoires intéressants dans lesquels il donne des détails curieux sur les divisions qui existèrent dans sa compagnie au temps de la Ligue et sur la manière dont la ville d’Aix rentra sous l’obéissance d’Henri IV. 4 Pierre d’Agut, son petit-fils, aussi conseiller au parlement, fit reconstruire la maison dont nous parlons dans l’état où nous la voyons encore, en 1676. 5
La belle et vaste maison qui fait le coin de l’île suivante et qui a, depuis 1641, sa principale entrée dans la rue actuelle du Collège, a trois façades : l’une, sur cette rue ; l’autre, sur la rue du Bourg-d’Arpille ; la troisième, sur la place des Prêcheurs. 6
Nouveau Palais de Justice
C’était l’ancien hôtel de La Cépède, depuis hôtel de Simiane, remarquable par le souvenir de quelques-uns des personnages qui l’ont habité ou qui y sont nés : tels que Jean de La Cépède, ami de Malherbe, mort premier président de la chambre des comptes, en 1622 ; Gaspard de Simiane, plus connu sous le nom de chevalier de La Coste, 7 qui, par excès de zèle et de charité se dévoua et mourut de la peste en 1649, au service des forçats retenus sur les galères du roi à Marseille ; et Jean, marquis de Simiane, président au parlement, magistrat renommé par son intégrité et par la sainteté de sa vie, mort en 1687. 8
Au commencement du siècle dernier, un voleur qu’on allait pendre avec quelques autres eut le rare bonheur d’échapper à la vigilance des exécuteurs, pendant que ceux-ci dépêchaient ses camarades. Telle est la bizarrerie du cœur humain ! Tandis qu’ une populace barbare se presse pour savourer le spectacle affreux offert à ses yeux, elle ouvre ses rangs et favorise la fuite d’un misérable qui a mérité le supplice. Celui-ci parvient, à travers la foule, jusqu’à la porte de l’hôtel de Simiane, qu’il trouve ouverte. Il entre , monte le grand escalier, parcourt divers appartements, et arrive, sans avoir rencontré personne, dans une chambre où madame de Simiane, née de Valbelle alors en couches, était alitée et seule pour le moment. Il se jette à ses genoux et lui demande la vie : – Cache-toi sous mon lit, et sois tranquille, lui dit madame de Simiane. – En effet, ses femmes, que le tumulte avait attirées aux fenêtres du salon voisin donnant sur la place, rentrent dans sa chambre; elle leur tait ce qui s’est passé. Arrivent bientôt les suppôts de la justice qui suivent les traces du criminel, mais personne n’a rien vu, rien entendu. Après deux heures d’inutiles recherches dans tous les recoins de l’hôtel, ils sortent enfin, persuadés que le fuyard a pris une antre direction. La nuit se forme, madame de Simiane éloigne ses femmes sous divers prétextes et ne retient auprès d’elle qu’un domestique affidé à qui elle révèle son secret. Le voleur est retiré plus mort que vif de dessous le lit. Sa libératrice lui fait remettre des aliments , des habits, quelque argent et l’exhorte à devenir meilleur. Le domestique le fait sortir secrètement de l’hôtel et le conduit, sous son bras, jusqu’à la porte de la ville.
Peu de mois après, madame de Simiane allant à Paris, est arrêtée à quelques lieues d’Aix, dans le Bois des Taillades, passage alors très dangereux. Parmi les brigands qui entourent la voiture et qui vont la dévaliser, elle reconnaît celui à qui elle a sauvé la vie. – Malheureux, lui dit-elle, as-tu pu oublier que tu as manqué d’être pendu ? – Eh ! répartit le voleur, les gens de ma profession ne doivent-ils pas finir par là tôt ou tard !
La tradition qui nous a conservé cette anecdote, et que nous ne garantissons pas, ajoute que madame de Simiane fut sauvée, à son tour, par le voleur reconnaissant. Il nous a été dit aussi qu’une autre tradition donnait un dénoûment bien différent à la bizarre aventure de cette dame.
De longues années s’étaient écoulées depuis l’évasion du malheureux destiné à la potence, lorsque cette dame vit entrer chez elle un ermite à la barbe blanche, au front chauve et courbé sous le poids des ans. » Vous voyez devant vous, ma dame, lui dit-il, ce misérable que vous avez jadis soustrait à une mort infâme. Depuis lors, le ciel m’a touché de sa grâce, et je tâche d’expier les crimes de ma jeunesse. Je n’ai pas voulu quitter ce monde sans arroser vos pieds de mes larmes, vous témoigner ma vive reconnaissance et vous assurer que je ne passe pas de jour sans me souvenir de vous dans mes prières. »
Ce dénoûment est sans doute plus moral, mais est-il plus vrai que l’autre ? Nous l’ignorons, n’ayant jamais rien trouvé d’écrit à ce sujet. Quoi qu’il en soit, ce touchant repentir n’excluant pas absolument l’aventure du bois des Taillades, nous pensons qu’on pourrait faire de celle-ci un tableau piquant, et du tout un mélodrame des plus intéressants de ce genre.
Nous donnerons plus bas une notice de l’ancienne église des Dominicains, actuellement l’église paroissiale de Sainte-Magdelaine, dont la grande porte d’entrée est sur la place des Prêcheurs, et nous en viendrons à la maison qui termine cette place au nord. Cette maison avait appartenu 9 à Louis Ventre, sieur de la Touloubre, célèbre avocat au parlement et professeur du droit français à l’université d’Aix, né en cette ville le 26 novembre 1706, mort à Avignon et non à Aix le 3 septembre 1767. Il avait cultivé dans sa jeunesse le commerce des muses et avait obtenu des succès dans la poésie ; mais il se livra depuis exclusivement à l’étude du droit et publia divers ouvrages qui attestent l’étendue de ses connaissances. 10 Son édition des Oeuvres de Scipion Dupérier, en trois volumes in-4°, est la meilleure de toutes celles qui ont paru.
Christophe-Félix-Louis Ventre de la Touloubre, l’un de ses fils, né dans la maison dont nous parlons, le 18 mai 1746, mort à Paris en 1816, entra de bonne heure chez les jésuites et puisa dans leur société les principes dont il ne se départit jamais et cette instruction variée dont il a fourni tant de preuves dans ses ouvrages. Outre les romans si intéressants des Quatre Espagnols, du Manuscrit du mont Pausylipe et autres, il a donné au public, sous le nom pseudonyme de Monjoie, d’autres écrits qui, malheureusement, ne sont point des romans, tels que l’Histoire de la conjuration de Louis-Philippe-Joseph d’Orléans, surnommé Égalité, celle de la Conjuration de Robespierre, 11 etc.
Catherine Vincens, sa mère, épouse de Louis de la Touloubre, était sœur du père Joseph-Alexis-Benoit Vincens, savant bénédictin de la congrégation de Saint-Maur, né dans la même maison que son neveu, le 17 juillet 1702, mort à l’abbaye de Jumièges, en Normandie, le 3 septembre 1769. Dom Vincens prêcha longtemps avec succès à Carcasonne, Toulouse, Bordeaux, Rouen et Caen, et il était attendu à Paris, lorsqu’une infirmité grave dont il fut atteint, l’obligea d’abandonner la chaire évangélique. Il est auteur de plusieurs ouvrages qui lui ont mérité une mention honorable dans le Dictionnaire des hommes illustres de Provence. 12
La grande maison construite en pierres de taille, dont une partie repose sur le Portalet, à l’entrée de la rue Rifle-Rafle, et qui fait face à la fontaine et à la rue de la Porte-Saint-Louis, fut bâtie, dans les premières années du XVIe siècle, par Gaspard Dupérier, l’un des conseillers de l’institution du parlement d’Aix, créé par Louis XII en 1501.
François Dupérier, petit-fils de Gaspard, fut un des beaux esprits de son temps. Il était intimément lié avec Malherbe.
Il faisait aussi des vers dont aucun n’est parvenu jusqu’à nous. Le grand-prieur, Henri d’Angoulême, gouverneur de Provence, qui avait amené Malherbe dans ce pays et qui protégeait les lettres, faisait un cas particulier de Dupérier. On raconte que ce prince lui fit un jour apprendre par cœur des vers de sa composition, avec ordre de les réciter après dîner, comme s’il en était l’auteur. Le grand-prieur, qui voulait éprouver Malherbe, loua beaucoup ces vers et demanda au poète normand comment il les trouvait. – Mauvais, répondit brusquement Malherbe, et c’est vous, Monseigneur, qui les avez faits.
Dupérier possédait un riche cabinet de tableaux, de livres et d’objets d’antiquités, que son grand-père avait commencé de former et qu’il avait considérablement augmenté. Son médaillier fut acquis en 1608, au prix de 5,000 écus, par les Etats de Provence, dans l’intention d’en faire cadeau au roi, qui l’accepta avec plaisir. C’était, en un mot, un personnage très distingué, auquel on peut reprocher toutefois un peu de versatilité dans sa conduite politique.
Ayant été longtemps le favori et le commensal du grand-prieur qui soutenait, en qualité de gouverneur, les intérêts du roi Henri III, son frère naturel, il embrassa avec ardeur le parti de la Ligue, après la mort de ce prince. Suivant l’usage, l’intérêt personnel eut beaucoup de part à ce changement. Depuis 1564, Arnaud Borrilli, zélé protestant, et possesseur d’une maison voisine, avait obtenu des premiers juges et du parlement, une sentence et un arrêt portant, que la partie de la maison des Dupérier, bâtie sur le Portalet, serait démolie ; ce qui avait été exécuté. Dupérier, devenu partisan de la Ligue, n’eut pas de peine à faire reconstruire cette partie de maison, en vertu de lettres-patentes du duc de Mayenne, du mois de novembre 1590. 13 Il fut ensuite élu second consul d’Aix, procureur du pays de Provence, en 1592, pour en exercer les fonctions à partir du 1er novembre jusqu’à pareil jour de l’année suivante. Ce fut pendant son consulat, qu’Henri IV fit son abjuration dans l’église de Saint-Denis, en France, le dimanche 25 juillet 1593. Dupérier comprit aisément que cette abjuration allait porter le dernier coup à la Ligue, et, dès-lors, il se retourna habilement vers le parti royaliste et prépara en secret, avec lui, le triomphe d’Henri IV en Provence.
Le parlement d’Aix ayant reconnu ce monarque pour vrai et légitime héritier de la couronne de France, par son arrêt du 7 janvier 1594, Dupérier fut un des premiers à se déclarer ouvertement en sa faveur. Bientôt après il fut l’un des députés que la ville d’Aix envoya au roi pour lui prêter serment de fidélité, lorsqu’il eut fait son entrée dans Paris, et il rapporta de sa mission l’assurance d’obtenir du roi de nouvelles lettres-patentes qui lui furent expédiées au mois de juin 1595, 14 portant approbation de la reconstruction de cette partie de maison bâtie sur le Portalet. Au reste, comme il n’y eut, après la soumission de la Ligue, ni 20 mars, ni journées de juillet, Dupérier demeura depuis constamment fidèle à Henri IV et à Louis XIII, jusqu’à sa mort arrivée en 1623.
Scipion Dupérier, son fils, né à Aix en 1588, mort en 1667 au mois de juillet, fut un des plus célèbres avocats du parlement de Provence. Ses oeuvres ont été imprimées plusieurs fois et sa vie a été publiée par le P. Bougerel, de l’Oratoire ; c’est pourquoi nous n’en dirons rien de plus. Sa postérité s’est éteinte de nos jours, dans la personne de Charles-Philippe Dupérier, marquis de Montcravel , écuyer de main du roi Louis XV, qui vendit la maison dont nous avons parlé plus haut, en 1780, et mourut à Paris sans enfants peu d’années après.
Mais la famille Dupérier ne finit pas entièrement avec lui. Le père de François, ami de Malherbe, avait laissé, d’une seconde femme, 15 un fils nommé Claude Dupérier, gentilhomme du duc de Guise, gouverneur de Provence, lequel épousa, en 1619, Anne de Moriès, 16 d’une famille noble de Lorgues. De ce mariage naquirent Charles Dupérier, l’un de nos meilleurs poètes latins, né à Aix le 31 janvier 1622, mort à Paris le 27 mars 1692 ; et un autre fils qui avait eu, de deux lits, vingt-quatre garçons et huit filles ; plusieurs individus de cette nombreuse famille adoptèrent le nom de Moriès que, par corruption parisienne, on a ensuite changé en celui de Dumouriez. 17 Anne-François Dupérier-Dumouriez, né à Paris en 1707, était l’un de ces vingt-quatre frères. Il est connu, dans la littérature, par sa traduction en vers français du poème italien de Richardet. 18 C’est le père du général Charles-François Dumouriez, né à Cambrai en 1739, mort à Londres en 1823, et qui, au mois de novembre 1792, gagna sur les Autrichiens la bataille de Jemmapes, dont le résultat fut la réunion momentanée de la Belgique à la France. Un autre Charles-François Dupérier-Dumouriez, cousin du général, né au Mans en 1746, a été sacré évêque de Bayeux sous Louis XVIII, et est mort d’apoplexie dans sa cathédrale en célébrant les saints mystères, le jour de Pâques de l’année 1827. Il est difficile de croire qu’il n’existe pas encore aujourd’hui quelque rejeton de cette famille, qui a subsisté à Aix avec honneur, pendant près de cinq cents ans.
Au midi de la maison de Dupérier et du Portalet, on voit l’ancienne maison des Pellicot, seigneurs de Saint-Paul, qui fait actuellement le coin de la rue Peiresc et qui, avant la démolition du palais des comtes de Provence, était attenante à cet édifice. Antoine Pellicot, maître-rational, l’avait acquise en 1539, et ses descendants l’ont possédée jusqu’à nos jours. Il était frère de Boniface, duquel nous avons parlé plus haut, 19 et fut le père de Jean Pellicot, célèbre avocat, assesseur d’Aix en 1465-66, ensuite premier conseiller à la sénéchaussée de cette ville lors de sa nouvelle création en 1572. Celui-ci avait composé plusieurs ouvrages 20 entièrement oubliés depuis longtemps, et dont le dernier fait époque chez nous comme étant le premier livre imprimé à Aix, suivant M. Henricy dans sa savante notice sur l’origine de l’imprimerie en Provence 21.
H. Bouche dit, dans son Histoire de Provence, 22 qu’au temps de Boniface Pellicot furent plantés, entre autres arbres, sur la place des Prêcheurs, trois micocouliers qui, lorsque cet auteur écrivait, étaient d’une dimension remarquable. Si quelqu’un rapprochait ce passage de cet autre, tiré de la Flore française, de MM. Lamark et de Candolle 23: » On cite un micocoulier d’une grosseur extraordinaire qui se trouve à Aix sur la place des Prêcheurs » il pourrait en conclure que c’est là un des trois arbres dont parle Bouche, et il commettrait une grande erreur. De mémoire d’homme il n’a été vu de micocoulier sur la place des Prêcheurs ; ceux que cite Bouche n’existent plus depuis au-delà de cent cinquante ans à en juger par la grosseur des ormeaux qui les ont remplacé et le micocoulier que mentionne la Flore française se trouve sur la place des Quatre-Dauphins. Il date tout au plus de 1646, époque où le quartier d’Orbitelle fut renfermé dans la ville.
La belle fontaine qu’on voit au centre de la place des Prêcheurs, date de 1760 et 61. L’obélisque, les quatre lions qui le supportent et qui reposent eux-mêmes sur une base élégante, sont l’ouvrage de Chastel, 24 ainsi que le grand aigle déployant ses ailes et prêt à s’élancer, qui couronne le monument. Les quatre inscriptions latines qu’on y lit et qu’on retrouve dans l’ouvrage de M. Porte, 25 ne sont point de M. de Saint-Vincens le père, comme l’a cru cet auteur : elles furent composées et envoyées de Paris par l’académie des inscriptions et belles-lettres. 26 Les quatre médaillons placés au-dessus des inscriptions représentent C. Sextius Calvinus, fondateur de notre ville ; Charles III, dernier comte de Provence de la maison d’Anjou, qui légua la Provence à Louis XI ; Louis XV, roi régnant à l’époque de l’érection de la fontaine ; et le petit-fils de Louis XV (qui a été depuis le roi Louis XVIII), né cinq ans auparavant et auquel le monarque donna le titre de comte de Provence que n’avait jamais porté jusqu’alors aucun fils de France, quoique la Provence fût réunie à la couronne depuis près de trois siècles.
Nous avons ouï dire à d’anciens assesseurs d’Aix, procureurs du pays, 27 qui le savaient par la tradition de leurs devanciers, tradition d’ailleurs très peu ancienne, que l’administration ne vit pas, à cette époque, cette innovation de bien bon oeil, quelque démonstration contraire et peu sincère que sa position lui commandât 28 il n’était, en effet, que trop évident pour elle que tout en feignant de flatter les Provençaux, on avait dès lors en vue, à la cour et au ministère, de les accoutumer à regarder leurs pays comme une province de France et non comme un État séparé, indépendant et nullement subalterné à la France. Nous avons entendu même citer, à ce propos, ces mots d’un ministre de Louis XV, à raison de quelques remontrances basées sur les libertés et les franchises du pays : » Révoltez-vous ; on enverra cinq ou six régiments qui vous conquerront; vos privilèges seront abolis et vous serez à l’instar de toutes les provinces de France. » Richelieu et Mazarin n’avaient jamais osé parler si haut ; il est vrai que les temps et les mœurs étaient changés et qu’au XVIIIe siècle il n’y avait plus à craindre de voir se renouveler les troubles des Elus et des Cascaveoux, non plus que ceux du Semestre et du Sabre, tous excités, au siècle précédent, par les atteintes portées à la constitution provençale.
Un spectacle odieux et affligeant déparait cette belle place des Prêcheurs : celui d’un échafaud permanent, solidement construit en pierres de taille, où se faisaient les exécutions des jugements criminels. La plupart des anciens plans de la ville, gravés ou inédits, nous représentent ce monument au-dessus duquel sont figurés des roués et des pendus. C’est là que furent brûlés vifs l’ermite dont nous avons parlé dernièrement, et Louis Gaufridi, prêtre de l’église des Accoules de Marseille, accusé de sorcellerie et de magie.
Le parlement d’Aix avait la réputation d’être un des plus grands justiciers du royaume. Ses détracteurs modernes l’accusent même de partialité à cet égard et ne craignent pas de dire que s’il sévissait rigoureusement envers les malfaiteurs de bas-étage, les criminels qui tenaient un certain rang dans la société trouvaient grâce devant lui. Ce sont là de ces infâmes calomnies inventées, depuis soixante ans, contre tout ce qui a appartenu à l’ancien ordre de choses ; car les registres du parlement attestent encore aujourd’hui que sa justice était égale pour tous. Sans remonter à des temps bien éloignés, nous citerons quelques exemples dont nos pères ont été les témoins pendant le siècle dernier et dont le souvenir n’est point encore entièrement effacé.
Qui n’a lu la relation imprimée de l’affreux parricide commis, le 9 novembre 1712, dans une campagne du territoire de Marseille, sur la personne de François de C.. de S.., capitaine de galère ? Le crime ayant été connu et poursuivi l’année suivante, Jean-Baptiste de C.. de S.., fils aîné, fut roué vif, après avoir eu les deux poings coupés, le 18 avril 1714. François-Guillaume de C.. de S.., son frère, fut décapité, après avoir eu le poing droit coupé ; et Anne de S.. de P.., leur mère, fut décapitée. Les trois corps furent ensuite brûlés et les cendres jetées au vent.
Jacques Gravier, époux de Marguerite de Pontevès, et par elle seigneur de Beauduen, fut, quelques années plus tard assassiné dans sa terre par un paysan qui déclara n’avoir agi qu’à l’instigation de François de B.. , sieur de St-B… Celui-ci, convaincu de son crime, fut roué vif le 10 avril 1726.
Scanne de G.. de la ville d’A.., sœur de Joseph de G.., écuyer, sieur de C.., ayant été égorgée dans son lit par ses deux neveux et par sa nièce, celle-ci nommée Elisabeth de G., à peine âgée de 22 ans, fut pendue le 7 décembre 1753, tandis que ses frères, Joseph-Dominique de G.., âgé de 20 ans, et Honoré de G.., âgé de 16 ans, expiraient sur la roue. Enfin le 17 mars 1757, un jeune officier réformé du régiment de…, nommé Balthazar d’A.. de la ville de St-R… et Joseph T…, bourgeois, furent également punis du supplice de la roue, pour avoir assassiné un autre bourgeois de la même ville.
Nous ne pousserons pas plus loin nos citations afin de ne pas trop nous rapprocher de nos jours. Celles-ci suffisent pour attester la justice du parlement d’Aix. Nous ne pouvons nous empêcher cependant de rappeler la mémorable exécution faite le 15 septembre 1768, d’une bande entière d’assassins et de voleurs qui infestaient les environs d’Aubagne et de Roquevaire. Onze hommes furent roués, deux autres et une femme pendus, ce qui porte au nombre de quatorze les individus qui furent suppliciés le même jour.
Ces exécutions eurent lieu sur cet échafaud dont nous parlons, situé sur la place des Prêcheurs, au grand regret des âmes honnêtes qui souffraient péniblement de voir couler le sang au milieu d’une place aussi belle et aussi fréquentée. Dès l’année 1643, le parlement avait délibéré que l’échafaud serait transporté ailleurs, et l’on ne sait pourquoi cette translation n’avait pas eu lieu.
Il était réservé au dernier marquis de Vauvenargues, fils de celui qui s’est immortalisé par son généreux dévoûment et sa noble conduite pendant la peste de 1720, et frère du vertueux moraliste dont notre ville se glorifiera à jamais, il lui était réservé, disons-nous, de faire détruire enfin cet épouvantable monument. Nicolas-François-Xavier de Clapiers, marquis de Vauvenargues et de Claps, étant premier consul d’Aix, procureur du pays de Provence, en 1775 et 1776, résolut avec ses collègues, MM. Barlet, assesseur, de Puget-Bras et Gallicy, second et dernier consuls, de s’adresser au roi pour obtenir que l’échafaud serait détruit et porté dans un des coins les plus reculés de la ville. Louis XVI régnait alors ; c’est dire d’avance que la demande fut accueillie favorablement.
Le 4 décembre 1775, MM. les consuls ayant convoqué tous les maîtres maçons à l’Hôtel-de-Ville, M. de Puget se mit à leur tête et se rendit à la place des Prêcheurs. Là ce magistrat porta le premier coup de marteau sur l’antique échafaud qui, en peu d’heures, fût entièrement démoli. 29
2 Voyez rue Ganay, dans le second volume. Retour
3 Voyez les divers historiens de Provence, de la ville et du parlement d’Aix voyez surtout les Essais historiques sur le parlement de Provence (Paris, Pihan-Delaforest, 1826, 3 vol. in-8°, tom. 1er , pag. 79 à 135), par notre honorable et malheureux ami M. Prosper Cabasse, alors conseiller à la cour royale d’Aix, depuis procureur général à la Guadeloupe, etc. Aux pag. 128 et suiv. de ces Essais, l’auteur rapporte textuellement l’arrêt de condamnation de Guérin d’après la copie que nous lui avions communiquée et que nous avions prise nous-même sur une expédition en forme, sur parchemin, appartenant à feu M. le marquis de Grimaldi de Cagnes, mort à Aix en 1816. Retour
4 Ces mémoires, dont le manuscrit autographe se trouve à la bibliothèque Méjanes dans le fonds de M. de Saint-Vincens, sont intitulés: Discours de l’institution, establissement, progrés et suitte du parlement de Provence, faict par M. Honnoré d’Agut, conseiller du roy audict parlement. Ils se terminent à l’établissement de la chambre des requêtes en 1641. -Nous en possédons une copie. Retour
5 Le balcon de la façade de cette maison est soutenu par des cariatides. Retour
6 Quelques personnes peu instruites ont imaginé, depuis quinze ou vingt ans, que cette maison était la demeure du bon roi René. Nous n’avons besoin, pour réfuter cette opinion, que de les renvoyer à ce que nous avons dit ci-dessus (pag. 10 à 17) sur le Palais des anciens comtes de Provence, démoli de 1776 à 1786, où naquirent la femme du roi saint Louis et ses trois sœurs, les reines d’Angleterre, des Romains et des Deux-Siciles, et où moururent le comte Raymond-Bérenger IV, leur père, et le roi René lui-même en 1480. Retour
7 Il était né le 7 juillet 1607. Voyez sa vie par Ruffi, Aix, David, 1659, in-16. Retour
8 Il était né en 1660. Voyez la Retraite spirituelle de M. le marquis de Simiane La Coste, président à mortier au parlement de Provence, donnée au public par M. J. Cousin, avocat ; Aix, Legrand, 1687, in-12, avec portrait. Retour
9 Elle est possédée actuellement par M. Bremond, notaire, à qui nous sommes redevable d’une foule de documents qui nous ont été de la plus grande utilité dans nos recherches, notamment sur l’ancien prieuré de Saint-Jean, dont feu M. son père était le notaire avant la révolution. Qu’il veuille bien en recevoir ici nos remercîments. Retour
10 Voyez le Dict. des hom. illust. de Prov., tom. II. pag. 272, et la Biog. univ. de Michaud, tom. XLVI, pag. 331, où tous les ouvrages de la Touloubre sont mentionnés. Retour
11 Voyez Aix ancien et moderne, par M. Porte, deuxième édition, pag. 91, où sont énumérées toutes les productions de Monjoie et où se trouvent des erreurs sur les prénoms de cet auteur, indiqués, dit M. Porte, dans le Journal de la Librairie de 1810. Retour
12 Tome II, pag. 335, où son nom est écrit Vincent par erreur. Retour
13 Registre des lettres-royaux du parlement d’Aix, 1587 à 1594, f° 348 v°. Retour
14 Registre des lettres-royaux du parlement d’Aix, 1595 à 1598, f° 53 v°. Retour
15 Louise Alpheran, mariée, le 14 novembre 1573 (notaire Arnaud Raynaud, à Aix), à Laurent Dupérier, avocat, fils de Gaspard, conseiller de l’institution du parlement. Elle était sœur de Gaspard et de Pierre Alpheran, mentionnés ci-dessus (pag. 471 et 472), lequel Pierre épousa, dix ans plus tard, Magdelaine Dupérier, fille dudit Laurent et de Honorade de Murot, sa première femme. Retour
16 Contrat de mariage du 24 octobre 1619, notaire François Jusbert, à Lorgues. Retour
17 Mémoires du général Dumouriez, liv. 1er , chap. 1er . Retour
18 Voyez la Biographie universelle de Michaud, tom. XII, au mot Dupérier, et tom. XXVIII, au mot Périer. Retour
20 Hist. des hom. illust. de Prov., tom. II, pag. 450. Retour
21 Voyez ci-dessus, pag. 283, not. 7. Retour
22 Tome 1er , Cosmographie, pag. 208. Retour
23 Troisième édition, Paris, Agasse, 1805, in-8°, tom. III, pag. 315. Retour
24 Jean-Pancrace Chastel, né à Avignon en 1728, était fort jeune encore lorsqu’il vint s’établir à Aix pour s’y livrer à la sculpture ; il s’y maria en 1754 et une seconde fois quatre ans après. Il excella dans son art, et ses ouvrages, répandus à Aix, attestent qu’il devint le rival du Puget. Le comte de Valbelle, son protecteur et son ami, l’employa longtemps aux embellissements de son château de Tourves. Le fronton du bâtiment des greniers publics, dont nous avons parlé plus haut, pag. 79 ; la fontaine des Prêcheurs, qui donne lieu à cette note, et la statue de la Vierge, que nous mentionnerons en parlant de l’église paroissiale de Sainte-Magdelaine, fairont à jamais le plus grand honneur à son ciseau. Ruiné par les premiers événements de la révolution, il mourut à l’hôpital des Incurables, à Aix, le 30 mars 1793. Retour
25 Aix ancien et moderne, deuxième édition, pag. 174. Retour
26 Description des antiquités, monuments et curiosités de la ville d’Aix, par M. de Saint-Vincens le fils, qui devait le savoir, pag. 36. Retour
27 MM. Pazéry, Alpheran, notre oncle maternel, Dubreuil et Roman de Tributiis. Retour
28 Cahier des délibérations de l’assemblée des communautés, février, 1756. pag. 8 et 74. Retour
29 Il était situé en face de la rue du Collége. La place qu’il occupait est encore reconnaissable à quelques pierres de ses fondations qui ont résisté au marteau des démolisseurs. Il convient d’expliquer pourquoi l’un des consuls marcha à la tête de ceux-ci et porta le premier coup. Un antique et salutaire préjugé faisait noter d’infamie les malheureuses familles qui, de près ou de loin, touchaient à l’échafaud. Dans la circonstance dont nous parlons, aucun maçon n’eût voulu marcher, retenu qu’il eût été par ce préjugé, et dans la crainte qu’on n’eût un jour reproché à ses enfants, à ses petits-enfants, que leur père ou leur aïeul était monté sur l’échafaud. Tous les maçons vivants ayant concouru ensemble à la démolition, faite d’ailleurs publiquement et conjointement avec 1’autorité, cette crainte n’en était plus une pour aucun d’eux ni de leurs descendants. On ne prévoyait pas qu’à moins de vingt ans de là tant d’ illustres et d’innocentes victimes, le vertueux Louis XVI même, perdraient la vie sur un échafaud, sans pour cela perdre l’honneur, le plus précieux des biens.
Voici l’état que nous avons dressé, aussi exactement que nous l’avons pu, de ces malheureuses victimes, égorgées judiciairement par le bourreau, sous le règne de la terreur, dans l’espace de onze mois, et qui appartenaient à la ville d’Aix. Puisse ce déplorable tableau inspirer l’horreur des révolutions, en rappelant à nos contemporains les scènes sanglantes qui se sont passées sous leurs yeux, et en apprenant à nos neveux combien il est dangereux de renverser les empires pour courir après un bonheur idéal que les ambitieux et les charlatans promettent sans cesse et qu’ils sont incapables de donner.
ÉTAT DES CONDAMNÉS A MORT PAR LES TRIBUNAUX RÉVOLUTIONNAIRES, SOUS LA TYRANNIE DE ROBESPIERRE, APPARTENANT A LA VILLE D’AIX PAR LEUR NAISSANCE OU LEUR ETABLISSEMENT DANS CETTE VILLE.
BERTET Joseph François, homme de loi (ancien Procureur du roi à la police);
GALLUD MERIAUD Pierre Michel Jean Charles Antoine Martien, homme de loi (ancien substitut du procureur général au parlement);
Condamnés, le 2 octobre 1795, par le tribunal criminel des Bouches-du-Rhône, séant à Marseille, comme contre-révolutionnaires, ayant exercé pendant la tenue des sections, au printemps et dans l’été de la même année ; l’un, les fonctions d’administrateur du département ; l’autre, celles de président de la municipalité d’Aix. Ils furent amenés à Aix et décapités le lendemain sur la place du Palais.
– Nous nous rappelons la consternation générale que cette exécution répandit dans la ville. La stupeur était empreinte sur le visage du peu de gens qui circulaient dans les rues ; la plupart des magasins et boutiques étaient fermés. Les cris féroces des sans-culottes seuls retentissaient dans les airs. Nul autre qu’eux n’osait se montrer aux fenêtres ni sur les portes des maisons ; une bonne partie des habitants sortit même de la ville dès le matin et beaucoup n’y rentrèrent plus. Joignez à cela le grand nombre d’émigrés de 1791 et 92, ceux des citoyens qui s’étaient éloignés ou cachés depuis l’entrée de Carteaux, le mercredi 21 août précédent, et les soixante ou soixante-dix personnes qui avaient été emprisonnées comme suspectes, à la fin de septembre, la ville ressemblait à un véritable désert, pire peut-être qu’en un temps de peste.
PIDOUX Jean-Pierre, ex-prêtre (ancien religieux feuillant) ; condamné, le 8 octobre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme ayant prêché la contre-révolution dans les sections ; exécuté à Marseille.
REY Jean, cultivateur ; condamné, le 12 octobre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme porteur des dépêches du comité des sections d’Aix à celui de Marseille ; il fut amené à Aix et décapité à la Rotonde au bout du Cours, le lendemain, jour de dimanche, ce qui répandit la même consternation que l’exécution du 3 octobre. Nous n’avions aucun soupçon de celle de Rey, et nous allions voir et consoler notre respectable père, détenu depuis dix-sept jours comme suspect, dans les prisons alors situées dans le bâtiment des casernes au cours Sainte-Anne, lorsque nous rencontrâmes, au milieu de la grande cour, le lugubre cortège dont la vue nous glaça d’effroi et est encore présente à notre souvenir. Notre malheureuse mère que nous accompagnions, faillit s’évanouir et eut de la peine à faire encore quelques pas pour arriver jusqu’à la porte des prisons. Elle n’avait que trop, comme nous, le pressentiment qu’a deux dimanches de là, elle perdrait son vertueux époux d’une manière à peu près aussi lamentable. – Voyez ci-dessus, pag. 174 et suiv. , et au second volume, rue Cardinale.
Aucun des suivants ne périt à Aix ; ils furent tous mis à mort dans le lieu de leur condamnation.
CHAUVET Jean-François, huissier ; condamné, le 4 novembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
MITTRE Jean-Baptiste, bourgeois ; condamné, le 5 novembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
VLLENEUVE Louis Elzéar dit d’ANSOUIS ex-noble ; condamné, le … novembre 1793, part la commission révolutionnaire de Lyon comme ayant porté les armes, pendant le siège de celle ville, contre l’armée de la république.
BARBEZIER Jean-Bernard, notaire ;
PERRIN Jean Antoine, notaire ; condamnés, le 23 novembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaires.
BEGUE Joseph Paul, bourgeois ; condamné, le 30 novembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
LIVIEUX Jean-Baptiste, teneur de livres ; condamné, le 5 décembre 1793, par la commission révolutionnaire de Lyon comme contre-révolutionnaire.
MARTIN Joseph, perruquier ; condamné, le 8 décembre 1793, par la commission révolutionnaire de Lyon, comme ayant porté les armes contre la république pendant le siège de cette ville.
ROUX Jean François Xavier, ex-prêtre (ancien religieux augustin du couvent de Saint-Pierre); condamné, le 15 décembre 1793, par la commission révolutionnaire de Lyon, comme prêtre réfractaire. (Voyez au second volume, rue d’Italie, la lettre que ce saint prêtre écrivit à sa famille, à Aix, quelques heures après sa condamnation).
SIBILOT Jean-Baptiste, propriétaire ; condamné, le 17 décembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire et ayant fait feu sur la garde qui allait le saisir.
BARNIER Joseph, commis-négociant ; condamné, le 18 décembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille comme ayant marché dans l’armée départementale, pendant la tenue des sections, contre celle de la république ; commandée par le général Carteaux.
RICAUD Pierre Louis, ex-prêtre et vicaire de l’évêque constitutionnel d’Aix condamné, le 21 décembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
ARBAUD André Elzéar dit de JOUQUES, ex-noble (ancien conseiller au parlement) ;
BONNET Joseph Philippe dit de la BEAUME, ex-noble (ancien conseiller au parlement) ;
FORBIN Gaspard Anne François Palamède de, ex-noble (ancien seigneur de la Barben, la Roque, Soliès, etc., à qui C.-F. Bouche avait dédié son Essai sur l’histoire de Provence ; condamnés, le 26 décembre 1793, par la commission révolutionnaire de Lyon comme contre-révolutionnaire.
L’EVÊQUE François, ex-noble (voyez ci-dessus, pag. 680) ; condamné, le 26 décembre 1793, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
TERRIS Joseph Jean Claude, secrétaire d’homme de loi ; condamné, le 29 décembre 1793, par la commission révolutionnaire de Lyon, comme ayant porté les armes contre la république lors du siége de cette ville.
COLOMBON Antoine Joseph Blaise, homme de loi ; condamné, le 7 janvier 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
GIRARD Antoine, huissier ; condamné, le 9 janvier 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
ARBAUD Joseph Victor Alphonse, homme de loi ; condamné, le 23 janvier 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme conspirateur, ayant prêché la contre-révolution dans sa section.
BONNETTY Joseph, ex-prêtre (curé de la paroisse de Saint-Sauveur) ; condamné le 1er février 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire, ayant présidé le comité central des sections et signé une adresse contre le vertueux sans-culotte Marat.
MARTIN Vincent Gaspard, ex-prêtre (ancien bénéficier à Saint-Sauveur) ; condamné, le 10 février 1794, par la commission révolutionnaire de Lyon, comme prêtre réfractaire et contre-révolutionnaire.
ARQUIER Jean-François Marie dit des BAUMELLES, ex-noble (ancien conseiller au parlement)
ASTOIN Jean-Baptiste Antoine, greffier du tribunal du district (anciennement de la sénéchaussée) ;
BRAZE Jean-François, directeur des vivres des hôpitaux militaires (anciennement commis au greffe de la province) ;
GUIRAND Esprit Siméon marchand mercier ;
MILLET Jean-Baptiste, propriétaire ;
MATHERON Pierre Germain, négociant ;
PERRET Jean-Paul, négociant, fabricant de bonnets ;
REDORTIER Esprit, bourgeois (ancien consul, procureur du pays) ;
SALVATOR Jean Antoine, propriétaire (ancien procureur au parlement) ;
TERRIS Louis Jean Baptiste, secrétaire d’homme de loi (frère de Joseph Jean Claude, ci-dessus) ;
Condamnés, le 4 février 1794, par la commission militaire révolutionnaire de Marseille, pendant la suspension du tribunal criminel, comme contre-révolutionnaires, ayant exercé des fonctions dans leurs sections.
ESTIENNE Antoine d’, surnommé Caiphas, ex-noble ; condamné, le 24 février 1794, par la commission militaire révolutionnaire de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
GAJAN Barthélemy, meunier ;
GUERIN Joseph, cultivateur (se donna la mort avec un couteau après la prononciation du jugement ; son cadavre fut néanmoins porté à l’échafaud et décapité) ;
Condamnés, le 16 mars 1794, par la commission militaire révolutionnaire de Marseille, comme contre-révolutionnaires.
FOSSENQUI Sébastien François, fontainier ;
MERENDOL Jean-Baptiste Alexandre, homme de loi ;
Condamnés, le 17 mars 1794, par le tribunal criminel de Marseille (après le rétablissement de ce tribunal), comme contre-révolutionnaires.
MARCOU Jean Joseph, cultivateur ; condamné, le 24 mars 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
ROUX Charles-Benoît, ex-prêtre, ex-évêque constitutionnel des Bouches-du-Rhône (ancien curé d’Eyragues) ; condamné, le 4 avril 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire, ayant célébré la messe sur le Cours, à Aix, le jour où les sections jurèrent de ne plus reconnaître la Convention nationale. (Voyez ci-dessus, pag. 97.)
CAUSSINI Joseph-Louis dit de VALBELLE, ex-noble (voyez ci-dessus, pag. 510) ;
RAOULX Jean-Claude, cordonnier ;
Condamnés, le 10 avril 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaires.
LAURENT François, gendarme; condamné, le 12 avril 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme ayant cruellement persécuté les bons patriotes pendant la contre-révolution des sections.
HERMITTE Antoine Hypolitte dit de MAILLANNE, ex-noble (ancien conseiller au parlement) ; condamné le 14 avril 1794, par le tribunal criminel de Marseille, comme contre-révolutionnaire.
DÉCOME Pierre, maçon; condamné, le 4 juin 1791, par la commission militaire de Toulon, comme convaincu d’avoir crié vive le roi !
PERRIN Elzéar, homme de loi, juge au tribunal de district ; condamné, le 11 juin 1794, sous les noms de Pierre Jacques Perrein, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme conspirateur et l’un des principaux chefs des contre-révolutionnaires.
RIPERT Jules Charles Louis dit MONCLAR, ex-noble (ancien substitut au parlement, puis officier au régiment de …) ; condamné, le 19 juin 1794 par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme conspirateur dans la maison d’arrêt où il était détenu (voyez ci-dessus, pag. 183).
BRUNY Jean-Paul dit d’ ENTRECASTEAUX , ex-noble (ancien président au parlement) ; condamné, le 20 juin 1794, par la commission populaire d’Orange, comme contre-révolutionnaire.
BOISGELIN Gilles Dominique Jean Marie de, ex-noble ( ancien maréchal de camp ) ; condamné, le 5 juillet 1794, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme conspirateur dans la maison du Luxembourg où il était détenu.
VIANY Laurent Jean Baptiste, ex-noble (ancien conseiller à la cour des comptes) ; condamné, le 7 juillet 1794, par la commission populaire d’Orange, comme contre-révolutionnaire.
ROUBAUD Jean Laurent se disant Audibert, maître de mathématiques ; condamné, le 17 juillet 1794, par le tribunal révolutionnaire de Paris, comme agent, sous le costume d’un mendiant, de Pitt et de Georges, tyran d’Angleterre.
PUGET Henri de, ex-noble (ancien mousquetaire noir) ; condamné, le 25 juillet 1794, par le tribunal révolutionnaire de Paris, avec environ quatre-vingts autres individus des deux sexes, de tout âge et de tout pays, inconnus les uns aux autres (dit Prudhomme), qu’on envoyait, ainsi journellement à la mort, sous les yeux et les auspices de la convention nationale, sans autre forme de procès que de leur demander leurs noms, sans leur laisser jamais la faculté de parler et souvent même sans qu’on daignât leur dire de quoi ils étaient accusés. Le motif de la condamnation de ceux-ci, était d’avoir formé dans la maison d’arrêt des Carmes, où ils étaient détenus comme suspects une conspiration tendant à s’évader de leur prison, se porter sur la convention, en égorger les principaux membres et rétablir la royauté.
CADENET Césaire Augustin dit de CHARLEVAL, ex-noble, ( ancien major du régiment d’Aunis, lieutenant de la garde constitutionnelle de Louis XVI, etc.) condamné, le 24 juillet 1794, par le tribunal révolutionnaire de Paris, avec soixante ou quatre-vingts autres individus, comme les précédents, pour pareille conspiration dans la maison d’arrêt de Saint-Lazare.
La chute de Robespierre, arrivée le 27 juillet 1794 (9 thermidor an II), vint enfin mettre un terme à cette horrible boucherie de chair humaine. Les tribunaux et les commissions établis dans les départements furent révoqués. Le seul tribunal révolutionnaire de Paris continua, mais faiblement, de juger les personnes qui avaient pris part à la révolte des sections, jusqu’à ce qu’enfin il fut lui-même cassé. Dans cet intervalle il ne périt qu’un seuil citoyen d’Aix :
GROGNARD Jean-Baptiste Mitre, ex-prêtre (ancien religieux minime) ; condamné à Paris, le 22 août 1794, comme ayant pris part à cette révolte des sections.
RECAPITULATIONS.
En | octobre1793 |
4
|
Prêtres |
7
|
à
|
Aix |
3
|
novembre |
6
|
Nobles |
14
|
Marseille |
36
|
||
décembre |
11
|
Bourgeois, Avocats, Procureurs, Notaires, huissiers |
21
|
Toulon |
1
|
||
janvier 1794 |
3
|
Négociants ou Marchands |
6
|
Orange |
2
|
||
février |
13
|
Artisans ou Cultivateurs |
9
|
Lyon |
8
|
||
mars |
5
|
Paris |
7
|
||||
avril |
5
|
||||||
mai | |||||||
juin |
4
|
||||||
juillet |
5
|
||||||
août |
1
|
||||||
57
|
57
|
57
|