Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DES PATIS
ATI, en vieux langage provençal, signifie cloître. De là vient qu’on a donné le nom de rue des Patis à celle qui longeait anciennement les cloîtres des Cordeliers. Au milieu du XVIe siècle, ces cloîtres furent cédés aux pénitents qui y transférèrent leur chapelle établie, depuis 1517 environ, dans la petite église de Notre-Dame de Beauvezet. Ces pénitents portèrent d’abord la robe bleue, mais en venant chez les Cordeliers, ils adoptèrent la robe noire qu’ils ont portée jusqu’à leur suppression en 1771. 1
En 1562, la ville était sous le joug des huguenots, à la faveur de l’édit de janvier qui, le premier en France, leur accorda l’exercice public de leur religion. Cet édit, enregistré au parlement d’Aix le 6 février suivant, mit fin momentanément aux atrocités que les catholiques commettaient contre les protestants ; mais ceux-ci voulurent abuser de la tolérance qu’on leur avait accordée et ne tardèrent pas à être chassés de la ville.
Suivant un ancien usage, les catholiques se rendaient annuellement le 25 mars, jour de la fête de saint Marc, en procession et les pieds nus, à la chapelle de Saint Marc la Morée, située à la distance d’une lieue sur la route d’Italie, non loin des bords de l’Arc. Cette année (1562) les huguenots semèrent pendant la nuit sur la route, des graines d’épinards qu’ou sait être armées de petites pointes très aiguës et qui ensanglantèrent cruellement les pieds des pèlerins. Ceux-ci furent, à leur retour, l’objet des brocards et des sarcasmes de leurs ennemis qui se permirent même de leur frapper les jambes avec de longues verges, et ils résolurent aussitôt de s’en venger. Ils soulevèrent le reste des habitants catholiques et tous ensemble ils forcèrent les troupes qui soutenaient les protestants à sortir de la ville.
Les pénitents noirs se distinguèrent particulièrement dans cette expédition. Munis de cailloux qu’ils avaient cachés sous leur robe, ils assaillirent à l’improviste le corps de garde établi dans leur voisinage à la porte des Cordeliers et le mirent en fuite jusqu’à l’extrémité du faubourg, au lieu nommé la Barricade, où depuis fut élevée une croix de pierre en signe de cette victoire. 2
Cette journée, qu’on nomma la Journée des Épinards, fut le terme de la réaction que les protestants avaient commencé d’établir contre les catholiques qui, bien plus nombreux qu’eux, ne cessèrent jamais depuis d’être les maîtres dans Aix.
C’est à cause de cette confrérie de pénitents, que la rue des Patis est encore nommée, par bien des gens, la rue des Pénitents Noirs.
1 Ils cessèrent à cette époque de s’assembler et vendirent même leur église pour payer leurs dettes, suivant leur délibération du 24 février, autorisée par le Parlement et que nous possédons en original. Retour
2 Cette croix a été abattue pendant la révolution. Elle était située à l’enfourchure du petit chemin qui de la rue des Bourras va aboutir à la traverse de la Molle, en passant devant la porte d’entrée du couvent des dames du Sacré-Cœur. Retour