Les Rues d’Aix – Rue de l’Aumône Vieille


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DE L’AUMÔNE-VIEILLE

UR la petite place Saint-Antoine, située au midi de l’église de l’Annonciade, dont nous venons de parler, il existait, avant la construction de cette église, un hôpital fondé dans le courant du XIIe siècle, où l’on faisait journellement l’aumône aux mendiants invalides de la ville. On appelait cet hôpital la Maison de l’Aumône (Domus eteemosynae), et lorsqu’il fut compris dans l’agrandissement qui nous occupe, on en donna le nom à la rue qui aboutit à cette place. Quand plus tard d’autres hôpitaux furent établis et que celui-ci fut abandonné, la rue prit le nom de l’Aumône vieille.
C’était dans une des salles de cet hôpital que se tenaient les conseils de ville jusque vers la fin du XIVe siècle, et le fameux pacte d’union du bourg Saint-Sauveur à la ville comtale y fut signé en 1357, comme on le verra plus bas. 1
Les Gastinelli faisaient leur demeure dans la rue de l’Aumône sous Louis III et le roi René. Cette famille avait produit quelques personnages de mérite, tels que Mitre Gastinelli, chanoine de Saint-Sauveur, nomme évêque de Sisteron, en 1437. Le bon René l’envoya en ambassade l’année suivante, au concile de Ferrare. Il se démit de son évêché, ou mourut en 1442, les auteurs n’étant pas bien d’accord sur ce point. Un autre Mitre Gastinelli, probablement son neveu, fut aussi nommé évêque de Sisteron en 1455 et n’occupa ce siége que peu de temps, étant mort l’année suivante. Lorsque vivaient ces deux prélats, Michel Gastinelli, que nous croyons neveu de l’un et frère de l’autre, fut élu trois fois syndic de la ville, 2 ce qui prouve qu il jouissait de l’estime et de la confiance de ses concitoyens.
Sur la ligne septentrionale de cette rue on entre par un passage couvert dans un long cul-de-sac appelé le Paradis, qui parait conduire directement au magnifique jardin des Bompar Magnan dont nous avons parlé plus haut 3 et qui n’a cependant aujourd’hui qu’une petite porte de communication avec lui.
Quelques personnes pensent qu’il y aboutissait autrefois, ce qui est vrai, et que ce jardin se nommait le Paradis, comme étant un véritable lieu de délices, ce qui demande une explication. Il est certain que ce lieu était appelé le Paradis bien avant l’existence du jardin en question, et il ne l’est pas moins qu’en cultivant celui-ci, on a souvent trouvé des ossements humains, 4 ce qui prouve incontestablement qu’il y a eu là un cimetière. Or, comme il n’y en a aucune indication dans les plus anciens titres connus, non plus que dans aucun de nos historiens, ne se peut-il pas que ce cimetière ait existé dans ces siècles d’ignorance où les fidèles léguaient par leurs testaments des sommes plus ou moins considérables aux églises et aux monastères, pour avoir une place dans le Paradis, c’est-à-dire dans les lieux où l’on ensevelissait les morts ? 5 Le cul-de-sac ou impasse dont nous parlons, serait donc situé sur le chemin qui conduisait à ce cimetière et en aurait conservé le nom depuis sept ou huit cents ans et peut-être plus, quoiqu’on ait perdu le souvenir de l’origine de ce nom.

1 Voyez ci-après, Union du bourg Saint-Sauveur à la ville comtale. Retour

2 En 1433-34, 1439-40 et 1445-46. Gaspard Gastinelli, son fils, eut une fille nommée Delphine, mariée le 24 octobre 1483 (notaire Bertrand Borrilli), à Jean de Lévêque, dont la postérité s’est éteinte en mâles de nos jours. – Un autre Gaspard Gastinelli était premier consul d’Aix en 1511-12 et en 1518-19. Retour

3 Voyez ci-dessus, rue de Magnan pag. 207. Retour

4 Madame Bourgarel, qui a possédé ce jardin de 1790 à 1842, après M. de Félix et avant M. Cabanel, nous a affirmé ce fait comme l’ayant vu se renouveler sous ses yeux, lorsqu’elle voulut en complanter une partie; et les habitants de l’impasse Paradis, à cette époque et qui vivent encore, peuvent s’en souvenir. Retour

5 C’est ainsi que nous interprétons le mot Paradisus, employé dans beaucoup de testaments des Xe, XIe et XIIe siècles, et dont les ennemis du clergé et des moines abusent en accusant ceux-ci d’avoir profité de l’ignorance des peuples à cette époque pour vendre aux mourants des places dans le royaume des Cieux. Retour