Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE ET PLACE
DE L’ANNONCIADE-VIEILLE
NE bonne partie des habitants d’Aix ignore peut-être l’existence de la place de 1’Annonerie-Vieille, 1 ainsi appelée parce qu’autrefois les greniers publics où l’on renfermait les grains, les vivres et les denrées qui se vendaient au marché, y étaient établis. On y arrive par deux rues qui portent le même nom que la place et qui n’en forment plus qu’une avec elle depuis 1811. L’une et l’autre ont leur issue dans la rue Beauvezet, et nous avons dit que la partie inférieure s’appelait auparavant la rue Marante ou la traverse de Garron. 2
L’église de Notre-Dame-de-Beauvezet, dont nous avons parlé à l’article précédent, avait ses derrières sur cette place où était situé en partie, en face et de l’autre côté de l’église, le couvent des Picpus qui avait aussi une entrée dans la rue de l’Official. 3 C’est sur l’emplacement de ce couvent ou tout auprès qu’avait existé anciennement l’Hôtel-de-Ville, et R-J. de Haitze pense qu’il y était encore lors de l’invasion de Charles-Quint. Nous avons prouvé suffisamment, ce nous semble, que c’est là une erreur. 4 Les greniers publics peuvent bien y avoir existé postérieurement à la réunion du bourg Saint-Sauveur à la ville comtale, mais non l’Hôtel-de-ville qui fut transféré là où il est maintenant peu d’années après cette réunion.
Non loin de l’église de Notre-Dame-de-Beauvezet, son fondateur Berard, mari séparé de Rixende, avait fait bâtir un hospice où l’on distribuait l’aumône aux pauvres passants sans que ceux-ci fussent obligés d’entrer dans la ville. Cet hospice, abandonné depuis fort longtemps, n’était-il pas situé au midi et au fond de la place dont nous parlons, là même où l’on découvrit, il y a vingt ou vingt-cinq ans, des vestiges d’anciennes constructions, dans les caves de la maison de feu M. Vernet, alors avoué à la Cour royale et qui avait été le premier sous-préfet d’Aix sous le consulat de Bonaparte ? 5 C’est ce que nous ne pouvons affirmer quelque porté que nous soyons à le croire, et nous laissons aux savants archéologues que notre ville renferme la solution de cette question.
Quoi qu’il en soit, l’hospice dont il s’agit s’appelait, comme celui de la place Saint-Antoine, la maison de l’Aumône (Domus eleemosynae) et c’est peut-être dans celui-ci et non dans l’autre que se tenaient les conseils de ville et où fut signé le pacte d’union du bourg Saint-Sauveur à la ville comtale. 6 Pitton et de Haitze sont très peu clairs dans ce qu’ils rapportent à cet égard ; bien plus, ils se contredisent avec eux-mêmes, et nous invitons les archéologues dont nous venons de parler à les accorder s’ils le peuvent. 7 Quant à la maison située au centre de la ligne orientale de la place de l’Annonerie, qui sert maintenant d’écurie et de grenier à foin, et sur la porte d’entrée de laquelle on voit encore un vieil écusson en pierre aux armes de la ville, que le temps a rongé en grande partie, nous ne saurions croire qu’elle ait jamais été l’Hôtel-de-ville comme le pensent quelques personnes. Si toutefois cela était, l’exiguïté de cette maison expliquerait pourquoi on allait tenir les conseils de ville dans celle de l’Aumône. 8
1 Dictionnaire latin et français, au mot annona. Retour
2 Voyez ci-dessus, pag. 220, note 1. Retour
3 Voyez ci-dessus, pag. 52. Retour
4 Voyez ci-dessus, pag. 67. Retour
5 Cette maison, qui appartient aujourd’hui à M. Roux, ancien notaire, a sa principale façade dans Grande rue Saint Esprit. Retour
6 Voyez ci-dessus, pag. 214. Retour
7 Nous leur signalerons pour Pitton : Histoire d’Aix, pag. 109 ; et Annales de l’Eglise d’Aix, pag. 147 et 212 ; et pour de Haitze : Aix ancienne et moderne, chap. VII, des Places publiques, et chap. X, des Hôpitaux. Retour
8 L’honorable M. Leydet, juge de paix, qui a colligé tant de précieuses notes sur les antiquités de la ville et qui les connaît si bien, propriétaire de cette maison et de celle que feu M. son père avait fait bâtir, en 1787, sur l’emplacement de l’ancienne église de Notre-Dame-de-Beauvezet, est d’un sentiment contraire au nôtre et pense que cette maison était autrefois l’Hôtel-de-ville. Dans le vestibule qui est aujourd’hui une écurie, on lit sur une plaque de marbre cette inscription :
V. P.
1556
Men. Martii. F.
qui ne nous paraît se rapporter ni à l’Hôtel-de-ville, ni à l’Annonerie. Elle se trouvait probablement dans l’église après la démolition de laquelle M. Leydet père l’aura fait placer ici pour la conserver. Retour