Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DU MOUTON
ous trouvons une telle confusion dans les registres et les actes publics du commencement du XVe siècle, relativement à ce quartier de Bellegarde, que nous ne saurions dire positivement Si c’est la rue actuellement dite du Mouton, ou la partie supérieure de la rue Bellegarde elle-même qui portèrent d’abord le nom de Boisson ou plutôt de Gabriel Boisson, l’un des premiers habitants de ce quartier. Ce Gabriel Boisson, syndic d’Aix en 1416-17, fut la tige d’une longue suite de magistrats tant à la cour royale des maîtres-rationaux, qu’à la cour des comptes, aides et finances, et qui se sont éteints en 1823, en la personne d’un ancien conseiller au parlement. 1 Les Testoris, les Olivari, les Pequi, et quelques autres honorables familles, y demeuraient à la fin du XVe siècle et au suivant.
Les Bussan, connus a Aix dès l’an 1309, s’éteignirent dans la rue du Mouton, au mois de janvier 1582, en la personne de Jean Bussan, qui avait été trois fois consul d’Aix, procureur du pays de Provence. 2 Barthélemy Bussan, son bisaïeul, avait été ennobli par le bon roi René, suivant les lettres-patentes de ce prince données, dit-il, en notre bastide lès notre cité d’Aix 3 le VIIIe jour d’avril, l’an de grâce mil CCCC septente et cinq, signées et enluminées par lui.
Le roi René avait accordé, dans les dernières années de sa vie, un assez bon nombre de pareilles lettres d’ennoblissement qu’il faisait payer, dit-on, la modique somme de dix écus (trente livres tournois), tant il était pressé d’argent. Aussi étaient-elles si peu estimées que très peu furent enregistrées dans le temps. D’autres qui l’ont été plus tard sur des lettres de relief des rois de France, successeurs de René au comté de Provence, ne sont guère considérées que comme des témoignages de l’ancienneté des familles qui les avaient obtenues, plutôt que comme de véritables titres de noblesse. 4
Une vieille tradition porte que quatre riches propriétaires, qu’on nommait les quatre B, à cause de la lettre initiale de leur nom (Bardelin, Bompar, Bonfils et Bussan) et dont les domaines étaient situés vers les limites des territoires d’Aix et d’Eguilles, fournirent des grains, dans une année de disette, au roi René qui les ennoblit en récompense de cette bonne action. Nous regardons cette tradition comme apocryphe, n’en étant rien dit dans les lettres d’ennoblissement des Bardelin et des Bussan qui existent encore dans un bon état de conservation, que nous avons vues plusieurs fois et dont nous possédons des copies avec les calques des armoiries dessinées et enluminées par le bon roi, et de la signature de celui-ci. Les lettres accordées à Nodon Bardelin sont d’ailleurs datées du palais d’Aix, le 5 mars 1472, 5 par conséquent antérieures de trois ans à celles de Barthélemy Bussan ; pourquoi toutes deux ne porteraient-elles pas la même date, si le fait rapporté par la tradition était exact ? Au reste, nous ne connaissons pas les lettres de noblesse des Bompar et des Bonfils. Quant aux quatre familles sus-nommées, elles sont éteintes.
Il est facile de comprendre que c’est une enseigne d’auberge qui a donné plus tôt ou plus tard son nom à la rue du Mouton ; mais nous ne savons à quelle époque.
1 Voyez, sur cette honorable famille qui avait produit dix magistrats, de père en fils, aux maîtres-rationaux et à la cour des comptes, ci-dessus pag. 246 et 357. Retour
2 Savoir en 1545-46, 1554-55 et 1575-76. Retour
3 Cette bastide était située là même où sont aujourd’hui les Infirmeries. Retour
4 Voyez, au sujet du peu de cas qu’on faisait de ces lettres d’ennoblissement, César Nostradamus, en son Histoire de Provence, pag. 646; de Haitze, histoire manuscrite de la ville d’Aix, livre V. § 49; et Artefeuil, histoire héroïque et universelle de la noblesse de Provence, tome II, pag. 386. Retour
5 On peut lire ces lettres dans la magnifique édition des Oeuvres complètes du roi René, publiée par M. le comte de Quatrebarbes, Angers, 1845, 4 vol. in-4° avec figures ; tome 1er , Biographie de René d’Anjou, pag. CXXVII. Retour