Les Rues d’Aix – Rue du puits neuf


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE DU PUITS-NEUF

N appela d’abord cette rue la rue des Barras, du nom d’une famille qui fut des premières à y faire son habitation, et ce nom fut changé depuis en celui du Puits-Neuf, à cause d’un puits public que la ville y fit creuser pour la commodité des habitants. Une partie du sol qu’elle occupe était auparavant complantée en vignes, et appartenait au chapitre de Saint-Sauveur, d’où vient qu’on l’appelait la Vigne du Chapitre, tandis qu’une autre partie, après avoir été du domaine des Templiers, avait passé plus tard dans la mense du prieuré de Saint-Jean, auquel les biens des Templiers avaient été réunis lors de la suppression de ces religieux.
Rostang Henrici, secrétaire rational, y possédait une maison en 1409, 1 ainsi que les Brès, les Nauloli, les Robin, les Salerne, les Urgeri et autres familles, la plupart éteintes depuis longtemps. Vers la fin du même siècle, Geoffroy Talamer y demeurait aussi. Geoffroy Talamer, 2 le plus illustre ou du moins le plus illustré des notaires d’Aix passés, présents et futurs, pour avoir reçu dans ses écritures le testament du bon roi René, du 22 juillet 1474, et celui de Charles III d’Anjou, neveu et successeur de René, du 10 décembre 1481. Ces deux. célèbres testaments furent faits à Marseille où ces princes étaient allés et où Talamer les suivit en sa double qualité de notaire et de secrétaire particulier de Leurs Majestés. Chacun sait que c’est à Charles III, dernier de nos comtes de la maison d’Anjou, que la Provence dût d’être adjointe et unie pendant plus de trois cents ans, à la couronne de France, avec tous ses droits, coutumes, privilèges, franchises et libertés, comme un principal à un autre principal, sans que à icelle couronne ne au royaume, elle fut pour ce aucunement subalternée, pour quelque occasion que ce put être.
Quoique cette existence politique ait été brisée en 1789, il n’est pas inutile d’en dire un mot en passant, ne fut-ce que pour apprécier toujours plus les agréments et les avantages de la centralisation et de la bureaucratie parisiennes.
Le roi René était pauvre et avait constamment besoin d’argent, surtout dans les dernières années de sa vie. Talamer lui en prêta plusieurs fois et ce fut pour l’en récompenser, que Charles III le pourvut, en 1481, d’un office de secrétaire rational archivaire, et lui légua, quelques mois plus tard, dans son testament, une somme de mille écus d’or, en lui confirmant la jouissance, qui lui avait été donné par René, du produit des greffes de la cour des maîtres-rationaux et de la cour ordinaire de cette ville d’Aix.
Au XVIe siècle les Romani, depuis seigneurs de Seranon, demeuraient pareillement dans cette rue où était né Bertrand Romani ou de Romans, chanoine de Saint-Sauveur et prévôt de l’église cathédrale de Glandèves, reçu conseiller au parlement d’Aix en 1555, enfin évêque de Fréjus en 1565. Il mourut en 1579, après quatorze ans employés dans l’épiscopat à lutter contre l’hérésie de Calvin qui commençait à se répandre de toutes parts et qui, grâce à son zèle, ne fit jamais de grands progrès dans son diocèse.
Deux anciennes familles parlementaires ont eu également pendant longtemps leur habitation dans cette rue : les Galliffet, seigneurs du Tholonet, qui ont fourni quatre président de père en fils, à la chambre des enquêtes du parlement, deux desquels jouèrent un rôle important dans les troubles du XVIIe siècle ; et les Trimond, seigneurs de Puymichel, qui avaient donné aussi quatre magistrats à la même cour. Les Calliffet vendirent leur hôtel vers le milieu du siècle dernier à l’œuvre de la Propagande ou plutôt de la Propagation de la foi, établie depuis 1636 pour l’éducation des jeunes personnes qui abjuraient l’hérésie; et les Trimond ont occupé leur antique demeure jusqu’à la révolution de 1789.
André Campra, l’un des plus grands musiciens de son temps, était né dans cette même rue du Puits-Neuf, le 4 décembre 1660, et fut mourir à Versailles, le 29 juillet 1744, à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Nous n’en parlerons pas, attendu que son éloge se trouve dans tous les dictionnaires biographiques ; mais nous dirons que Jean-François Campra, son père, natif du lieu de Gaillet, au diocèse de Turin était venu s’établir à Aix pour pratiquer la chirurgie et y avait épousé, en 1659, Louise Fabry, mère d’André, appartenant à plusieurs familles distinguées du pays, telles que les Duperier, les Bonfils et autres, ce qui exclu l’opinion où l’on est que Campra était d’une extraction peu relevée. 3

1 Pierre Henrici était, à la même époque, procureur-général fiscal à la cour des maîtres-rationaux séant à Aix. Il était fils d’Antoine ou Antonel Henrici, secrétaire de la reine Marie de Blois, mère et tutrice de Louis II d’Anjou, roi de Naples et comte de Provence. Il est parlé bien souvent de cet Antonel dans le journal manuscrit de Jean Lefebvre, évêque de Chartres, chancelier de Louis 1er et de Louis II, dont nous avons rapporté une foule de passages ci-dessus, pag. 308 à 322. Retour

2 Anne de Talamer, mère de notre aïeule paternelle, morte à Aix en 1751, dans sa 99e année, descendait en droite ligne de ce Geoffroy, dont la postérité masculine s’est éteinte à Lorgues, sur la fin du règne de Louis XV. Retour

3 L’ouvrier qui, en 1811, renouvela si maladroitement les écriteaux indiquant les noms des rues (ci-dessus, pag. 8, note 1, etc.), qui en supprima quelques unes, en réunit plusieurs à d’autres, etc. ; ne trouvant aucun nom au passage qui monte de la rue du Puits-Neuf dans la rue Loubet, du côté du levant, lui donna son propre nom de baptême, et voilà pourquoi on appelle depuis lors ce passage la rue Saint-Henri. Retour