Les Rues d’Aix – Les Infirmeries


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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LES INFIRMERIES

Le bon roi René, dont le nom revient si souvent dans la bouche et sous la plume des habitants d’Aix, possédait une maison de campagne dans le territoire de cette ville, sur les bords de l’Arc, au quartier qu’on nommait alors de Pérignane. Pendant les dernières années de sa vie, il y passait assez ordinairement la belle saison, et l’on connaît plusieurs édits et lettres-patentes de ce prince qui sont datés de sa bastide près de la ville d’Aix. 1
Par son testament du 22 juillet 1474, René en légua l’usufruit à la reine Jeanne de Laval, sa seconde femme. Après la mort de celle-ci, Charles VIII, roi de France, la céda à Jean de Benault, écuyer, tant en récompense des services qu’il en avait reçus, qu’en paiement de 1500 écus d’or qui lui avaient été l
égués par Charles III, dernier comte de Provence de la maison d’Anjou, neveu et héritier du roi René. Jean de Benault vendit depuis ce domaine à l’archevêque d’Aix qui le céda au chapitre de Saint-Sauveur. La ville l’acquit ensuite du chapitre, au mois de janvier 1564, avec le projet d’y bâtir une infirmerie où les malades pourraient être transportés en temps de peste. C’est alors que fut construite l’aile du bâtiment qui envisage le midi et le nord, où l’on plaça sur les deux faces l’inscription que voici :

Hoc pium opus q. pientissimi viri A. de Glandevès de Porrières, B. de Meaux, G. Romani, et H. Murot hujus civitatis consul, a reg. majestate Carolo IX hanc suam patriam visente creati ann. dom. M. D. LXIV, feciliter incepere et eodem anno absolverunt. 2

Cette inscription, qui a disparu en 1793, attestait encore, comme on voit, que Charles IX, qui se trouvait à Aix au mois d’octobre 1564, avait créé lui-même cette année nos consuls, dont la nomination appartenait au conseil de ville depuis un temps immémorial. Une pareille innovation ne dut pas déplaire médiocrement à nos pères si jaloux de leurs libertés ; mais l’histoire se tait là-dessus et nous n’en parlerons pas davantage.
L’aile qui envisage le levant et le couchant, ne fut bâtie qu’un siècle plus tard, ainsi que le témoignait l’inscription suivante qui fut placée sur les deux faces et qui a également disparu en 1793.

Par délibération du conseil de la ville d’Aix, cet édifice a été construit, étant MM. Alexandre de Villeneuve, baron de Vence, F. de Julianis, advocat, J.-A. de Michaelis, sieur du Dignosc, et Esprit de Redortier, consuls et assesseur d’Aix, procureurs du pays, en l’an 1671.

Il est à remarquer qu’il ne reste plus aujourd’hui une seule des huit familles dont les noms figurent dans ces inscriptions.
Le bâtiment qui fait le coin et qui joint les deux ailes, est la bastide même du roi René. Nous avons dit quelle avait été possédée plus tard par le chapitre de Saint-Sauveur. Les chanoines y avaient chacun leur chambre qu’ils allaient habiter dans les beaux jours de l’année, laissant apparemment au bas chœur le soin de prier Dieu à la métropole. Ces chanoines n’étaient pas comme ceux d’aujourd’hui. L’un d’entre eux, dignitaire du chapitre, ne fut pas insensible aux charmes d’une jeune et jolie paysanne, fille d’un laboureur qui possédait une maison de campagne dans le voisinage. Cette fille donna le jour à plusieurs enfants auxquels le chanoine fit des libéralités par ses testaments datés, l’un de 1532, l’autre de vingt ans plus tard, et dans lesquels il les désigne comme ses enfants naturels. L’une de ces filles, à qui il avait légué 1500 écus d’or, épousa, en 1566, le fils de Guillaume Guerin, avocat-général au parlement d’Aix, qui avait été pendu pour crime de faux 3 à la suite de la fameuse affaire de Cabrières et de Mérindol. Ce mariage ne pouvait être mieux assorti, quant à la qualité des époux.

Le tableau suivant, extrait des archives de la province, ne sera sans doute pas indifférent aux amateurs de l’histoire de notre ville.

Etat général contenant le nombre des personnes décédées de la peste dans la ville d’Aix et son territoire, depuis le 1er août 1720 jusqu’au 31 juillet 1721 inclusivement.

MOIS
morts des
paroisses
ou de
l’Hôtel Dieu
morts des maisons levés par les corbeaux
MORTS AUX INFIRMERIES
TOTAUX des
faces
des Minimes
de la Charité

de
l’Arc

Août 1720
148
0
0
0
0
148
Septembre
190
41
97
0
0
331
Octobre
238
211
138
205
222
1034
Novembre
121
364
37
850
61
1433
Décembre
68
405
71
880
230
1054
Janvier 1721
86
281
3
756
113
1239
Février
56
113
0
255
91
515
Mars
52
61
0
105
152
370
Avril
48
80
0
86
257
471
Mai
8
45
1
33
132
219
Juin
34
4
0
2
36
76
Juillet
28
2
0
0
14
44
TOTAUX
des colonnes
1097
1610
347
3172
1308
7534

 

 

1 Voyez notre 1er vol., pag. 474. Retour

2 Voyez aux archives de l’Hôtel-de-Ville, tablette des documents, le registre coté Infirmeries. Notre ami Diouloufet avait fait usage de notre analyse des titres contenus dans ce registre, dans ses notes sur son charmant poème provençal intitulé leis Magnans, pag. 99. Retour

3 Voyez notre 1er vol., pag. 610. Retour