Les Rues d’Aix – Rue Adanson


Les Rues d’Aix
ou recherches historiques sur l’ancienne capitale de Provence
par Roux-Alpheran en 2 tomes 1848 et 1851
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RUE ADANSON

U mois de juin 1840, le nom de l’un des plus illustres enfants d’Aix remplaça le nom ridicule d’Esquicho-Mousquo, que portait cette rue et que les étrangers devaient trouver si barbare et si peu agréable à prononcer. Il n’avait plus d’ailleurs pour nous, habitants d’Aix, aucune signification raisonnable. Cette rue était très anciennement tellement étroite qu’on disait avec quelque apparence de vérité, qu’une mouche qui serait entrée s’y serait trouvée serrée (esquichado) entre les deux lignes des maisons qui la bordaient; mais ayant été élargie en 1673, le nom d’Esquicho-Mousquo ne lui convenait plus depuis lors. Elle en avait porté d’autres en différents temps, comme celui de Capoane et de Gazan, de deux familles qui y logeaient aux XIVe ou XVe siècles, et du Cloître ou de la Prévôté, parce qu’elle conduisait soit au cloître de Saint-Sauveur, soit à la demeure du prévôt du chapitre, située entre ce cloître et le palais des archevêques.
Michel Adanson, célèbre botaniste et l’émule du grand Tournefort, naquit dans l’une des deux dernières maisons de cette rue, à droite en allant à Saint-Sauveur, où, suivant d’autres, dans l’archevêché même qui touche ces dernières maisons, le 27 avril 1727. Son père, Léger Adanson 1 appartenait à l’une de ces familles écossaises qui avaient suivi la fortune du roi d’Angleterre, Jacques II, détrôné par son gendre en 1688. Il s’était attaché, en qualité d’écuyer, à M. de Vintimille, archevêque d’Aix, et s’était marié en cette ville avec une fille du pays, Marthe Buisson, de laquelle il avait eu six enfants : Clément, Charles-Gaspard-Guillaume, filleul de l’archevêque, Louis-Joseph, Anne, Michel, duquel nous parlons, et Jean-Léger Adanson, tous nés et baptisés dans Aix.
M. de Vintimille avant été transféré sur le siége archiépiscopal de Paris, la famille Adanson le suivit dans cette capitale où le jeune Michel fit les études les plus brillantes aux collèges Sainte-Barbe et Duplessis. Il devint ensuite un des savants les plus distingués du XVIe siècle dans les sciences naturelles, principalement dans la botanique, et il est compté par l’Europe entière au nombre des premières illustrations de la France, sur quoi l’on peut consulter les ouvrages cités ci-dessous 2 et tous les journaux de l’époque de sa mort, arrivée à Paris le 3 août 1806. Son Voyage au Sénégal, ses Familles des plantes, attesteront à jamais la part qu’il a eue à l’immense développement de la science.
Un autre savant botaniste naquit, le 16 mai 1780, dans l’hôtel voisin de la maison où était né Adanson, au centre de la ligne orientale de cette rue ; Thomas-Albin-Joseph d’Audibert de Ramatuelle, chanoine de Saint-Sauveur, sur lequel on trouve une excellente notice historique dans les Mémoires de 1’Académie d’Aix, 3 et qui périt d’une manière déplorable à Paris, le 26 juin 1794, un mois avant la chute de Robespierre. Détenu dans une des prisons de Paris avec tout ce que cette capitale renfermait de gens de bien et comme eux dévoué à la mort, il vit ou crut voir la possibilité de s’évader. Mais ses mesures étaient mal prises, et il se précipita d’un toit élevé dans la rue. On lui avait proposé, quelques années auparavant, de faire partie de l’expédition de la Pérouse avec son compatriote le chevalier de Lamanon, de Salon, 4 et il s’y était refusé. Là ou là, sa destinée était de périr misérablement.

1 Léger Adanson était natif du lieu de Ville-Jacques, au diocèse de Clermont en Auvergne, fils de Jacques Adanson (écossais) et d’Agnès Sanadre, ainsi est dit dans son acte de mariage avec Marthe Buisson, fille de Louis et de Marguerite Mouillin, en date du 4 juillet 1717, à la paroisse Sainte-Magdelaine d’Aix. Retour

2 Notice sur la vie, les travaux, les découvertes, la maladie et la mort Michel Adanson, par M. le Joyand, Paris, 1806, in-8°. –Eloge historique de Michel Adanson, prononcé à l’institut le 5 janvier 1807 par le savant M. Cuvier. –Biographie universelle de Michaud, tome 1er, pag. 194 et suivantes – Moniteur universel, n° 277, du 4 octobre 1806. – Journal de Paris, du 14 octobre 1806, n°287. – Autre du 24 octobre 1806, n° 297. – Journal de l’empire, du 4 octobre 1806, au feuilleton. – Mercure de France, du 7 février 1807, n° CCXC, etc. – Le buste en marbre d’Adanson est placé à la bibliothèque publique d’Aix, à côté de ceux de Tournefort, de Vauvenargues et de Peiresc, tous ouvrages de M. Ramus, habile sculpteur, natif de cette ville, dont nous aurons occasion de parler ailleurs. Retour

3 Tome 1er, pag. 118 et suivantes (Aix, 1819), par M. Hippolyte Roger de Fonscolombe. – Joseph-Jacques-Cyprien-Hippolyte d’Audibert de Ramatuelle, frère cadet du chanoine, né dans le même hôtel le 22 avril 1759, fut un officier de marine très distingué. Il publia à Paris, en 1802, un Cours élémentaire de tactique navale, un volume in-4°, et fut fait contre-amiral honoraire sous la restauration. – M. François-Auguste-Désiré d’Audibert, seigneur de Ramatuelle, aîné des trois fières, né en 1747, fut d’abord conseiller au parlement d’Aix depuis 1767 jusqu’à la révolution, et a été, pendant longues années, sous le consulat et l’empire, secrétaire-général de la banque de France, à Paris. où il est mort fort avancé en âge, postérieurement à 1830. Retour

4 Jean-Honoré-Robert de Patil de Lamanon, célèbre naturaliste, membre de l’académie des sciences de Turin et correspondant de celle de Paris, massacré par les sauvages le 10 ou le 11 décembre 1787, à l’île de Maonna, dans l’archipel des Navigateurs, à l’âge de 35 ans et quelques jours, était né à Salon le 6 décembre 1752. Il tenait à la ville d’Aix par sa mère, Anne de Baldoni qui y était née en 1717, d’une famille noble, éteinte par la mort des frères d’Aune, sans enfants, comme celle de Paul Lamanon l’a été plus tard par la mort des fils de ladite Anne dont aucun ne s’était marié. Retour