La Maison du Jas


La maison du Jas – Paul Cezanne [Domaine Public] via Wikimedia Commons

Les Truphème

Originaires de La Garde-Adhémar, dans la Drôme, ils s’installent à Aix-en-Provence à la fin du XVIIe siècle.

  • Gaspard Truphème (1688 – 1766), marchand de bois acquiert en 1745 la charge de conseiller secrétaire du roi en la chancellerie près la cour des comptes, puis en 1758 celle de commissaire provincial des guerres. Pour marquer son ascension sociale, il fait construire par Georges Vallon, architecte de la Ville et de la Province, la bastide du Jas de Bouffan. Les armoiries des Truphème figurent sur des gypseries qui ornent une chambre à alcôve du premier étage.
  • Le fils de Gaspard, Pierre (1737 – 1816), est reçu commissaire ordonnateur des guerres au département de Marseille en juin 1758. En 1767, la propriété comprend « le bâtiment de maître, les mûriers de l’allée depuis le grand portail extérieur jusqu’à la fontaine, les bosquet de la tèse, toutes les nouvelles plantations à savoir les pépinières de mûriers, les mûriers nains et les mûriers des allées et bosquets ».
  • Joseph Truphème (1768 – 1810), fils de Pierre, également commissaire provincial des guerres, devient propriétaire du Jas de Bouffan en 1803.
  • Une de ses quatre filles, Gabrielle, hérite du Jas de Bouffan et c’est donc, par mariage, que les Joursin deviennent propriétaires de la bastide.
  • En 1854, Gabriel Joursin hérite des biens de sa mère. Il ne conservera le Jas de Bouffan que pendant quatre ans.

L’époque Cezanne :

Le 15 septembre 1859, Gabriel Joursin vend le domaine rural comprenant 14 hectares 97 ares, à Louis-Auguste Cezanne pour la somme de 85 000 francs. La père de Cézanne est banquier et pour récupérer l’argent que lui doit Gabriel Joursin, 650000 francs, il se rembourse personnellement sur la vente. Paul est alors âgé de 20 ans. La famille n’occupe que le premier étage de la vaste demeure; le grand salon au mur courbe du rez-de-chaussée leur sert de débarras, et dès 1859, Paul entreprend de le décorer. La maison est alors en mauvais état, ce qui explique pourquoi le banquier, opposé à la carrière artistique de son fils, lui permet de peindre directement sur les murs du grand salon ovale au rez-de-chaussée. Il orne les murs de quatre grands panneaux des Saisons qu’il signe ironiquement INGRES, disposés deux par deux autour d’un portrait central de son père, de profil, assis sur une chaise, en train de lire le journal.

Cezanne a signé chaque panneau « Ingres » en bas à droite et a rajouté la date 1811 en bas à gauche du panneau représentant l’Hiver. En signant ces œuvres du nom de Ingres, Cezanne a peut-être voulu prouver à son père, avec ironie, qu’il n’était pas inférieur au plus célèbre artiste de son temps.

Entre 1860 et 1870, Cezanne peint directement sur les murs plusieurs autres œuvres qui resteront en place jusqu’à sa mort en 1906. Vers 1870, Louis-Auguste Cézanne installe sa famille au Jas de Bouffan. De 1881 à 1885, il fait refaire la toiture de la bastide en tuiles mécaniques et profite de l’occasion pour aménager sous les toits un atelier pour son fils. Le 23 octobre 1886, Louis-Auguste Cézanne décède au Jas de Bouffan. Après la mort de son père, Cézanne installe à nouveau son atelier dans le grand salon du rez-de-chaussée.

En janvier 1888, Renoir Séjourne au Jas de Bouffan, mais quitte bientôt Cezanne « à cause de l’avarice noire qui règne dans la maison ».

En 1891, Numa Coste écrit à Zola : « Il habite le Jas de Bouffan avec sa mère… » qu’il ne laisse jamais seule. Lorsqu’elle décède, le 25 octobre 1897, à l’âge de 82 ans, il en conçoit un tel chagrin qu’il ne peut plus vivre dans les lieux. Pour faire cesser l’indivision de la succession, Maxime Conil, beau-frère de Cézanne, insiste pour vendre la propriété.

Les propriétaires suivants :

  • Le 18 septembre 1899, Louis Granel, ingénieur agronome polytechnicien originaire de Carcassonne se porte acquéreur de la bastide pour la somme de 75 000 francs.En 1907, un an après la mort de Cézanne, Louis Granel, propose de détacher du mur les peintures de Cezanne et de les présenter à l’État en vue d’une éventuelle acquisition. Léonce Bénédite, conservateur du Musée du Luxembourg vient à Aix-en-Provence dans le but d’inspecter ces œuvres de jeunesse. Son rapport, est sans appel : « Je suis forcé de conclure absolument contre l’acceptation de cette libéralité. Je ne mets pas en discussion ici le talent ni l’œuvre de Cezanne. N’est-il point d’ailleurs représenté au Luxembourg dans le legs Caillebotte ? Je me garde donc de m’aventurer sur ce terrain, mais quel que soit le sentiment que l’on éprouve pour l’œuvre de ce peintre, on ne peut nier que ce serait une singulière façon de lui faire honneur que de la représenter par de plates et banales images qu’il ne semble pas lui même avoir pris au sérieux ».
  • En avril 1912, le marchand d’art parisien Jos Hessel s’en porte acquéreur et fait déposer une partie des œuvres : Les Quatre Saisons, le portrait de Louis-Auguste Cézanne et le Baigneur au rocher. Il laisse en place, le jeu de cache-cache d’après Lancret, le Christ aux limbes, le portrait d’Achille Emperaire, Contraste, le Paysage romantique aux pêcheurs et une partie du paysage qui entourait le Baigneur au rocher. C’est ainsi que les 12 compositions directement peintes sur les murs du Jas de Bouffan par Cézanne seront déposées, fragmentées et transférées sur 22 toiles avant d’être dispersées.
  • La fille de Louis Granel épouse Frédéric Corsy, professeur d’anatomie à la faculté de Médecine de Marseille. Leur fils, André Corsy, radiologue, s’installe au Jas de Bouffan après la seconde guerre mondiale et une longue captivité en Allemagne. Il vit là avec son épouse, Nina Wakhévitch, dont il adopte les deux enfants.En 1994, André Corsy vend la propriété à la Ville d’Aix-en-Provence, sous réserve d’usufruit, exception faite de la ferme. Il décède le vendredi 27 septembre 2002, à l’âge de 82 ans. La bastide et son parc, classés Monuments Historiques sont ouverts au public depuis avril 2006.

Elle existe toujours : elle est ici (cliquez !).


Sources et droits des documents de cet article :



• Collection personnelle de Thierry Brayer

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